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vieux couvent. En quel état allais-je retrouver notre Cenacolo ? Quel effet, à la seconde vue, produirait-il sur moi? Le nom de Raphaël serait-il encore le seul qui s’offrirait à ma pensée? — Tout d’abord j’aperçus un changement notable. La porte et la façade de l’ex-monastère avaient pris un nouvel aspect. Ce n’était plus le délabrement d’une fabrique abandonnée, c’était un certain air de propreté et d’entretien. Le gouvernement du grand-duc avait exaucé le vœu dont, en 1850, je m’étais fait l’écho. Une destination publique avait été donnée aux bâtimens des dames de Fuligno : on venait d’y transporter la collection Rosellini, on en faisait un musée d’antiquités égyptiennes, et au centre de ce musée on avait réservé, à titre de sanctuaire, le réfectoire et sa fresque. En entrant dans ce grand vaisseau, rendu à ses proportions premières, ma surprise fut grande : plus de cloison, plus d’obstacle à la vue; je me croyais dans un lieu tout nouveau, et la fresque elle-même, ainsi vue à distance et d’un regard d’ensemble, prenait une harmonie et même une souplesse dont je n’avais nul souvenir. C’était bien la même candeur de composition, la même simplicité naïve et archaïque; mais la vie de tous ces personnages et leur action commune semblaient se révéler plus clairement, plus librement.

J’étais donc rassuré, au moins quant au premier coup d’œil. En m’approchant, je reconnus, non sans chagrin, qu’une main peut-être habile, mais trop sûre d’elle-même, s’était récemment permis quelques restaurations tout au moins inutiles. On se souvient en quel excellent état cette fresque avait été trouvée sous sa couche de suie : les têtes, les pieds, les mains n’avaient pas une égratignure. Tout au plus fallait-il reboucher çà et là, dans les draperies et dans les fonds d’architecture, quelques légers accidens. Qu’avait-on donc besoin de raviver, soit sur les vêtemens des apôtres, soit sur la bordure de la nappe, l’or de tous ces galons capricieux et délicats? Cette dorure rafraîchie sort du ton général et fait tache. Je n’oserais même pas répondre qu’on ait partout exactement suivi les dessins primitifs et qu’en plus d’un endroit où l’or était usé on n’ait pas demandé à l’imagination ce que l’œil ne pouvait plus lire. Il ne s’agit, j’en conviens, que d’accessoires sans importance; mais ce n’en est pas moins une témérité grande que de les avoir traités d’une si leste façon.

À ce détail près, il n’y a dans cette salle que des éloges à donner. L’installation en est parfaitement entendue, sans luxe et sans mesquinerie. Quelques bons sièges, bien placés, où l’on peut admirer à son aise, composent tout l’ameublement; ajoutez-y pourtant un buste de Raphaël placé au milieu de la salle et les dessins de l’ancienne collection Michellozzi, exposés sous verre comme pièces du