Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 40.djvu/19

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

catholique. Plus puissant que nombreux en Occident, il se composait d’anciens ministres de Théodose, de grands officiers attachés à sa cour, la plupart orientaux, de chefs militaires, soit barbares, soit romains, dévoués, ceux-ci à ses idées, ceux-là à sa personne; à ce noyau se rattachaient le clergé et la population catholique, assez clair-semée en Italie. Il avait pour centre le palais impérial et les évêques, qui, après avoir provoqué l’intervention et secondé le succès des armes catholiques, désiraient ardemment une victoire plus complète. Ce parti, dont l’empereur défunt était le chef militant, avait passé de lui à son fils et à sa fille Placidie ; on pouvait l’appeler le parti de la maison de Théodose.

L’autre était celui de la liberté religieuse, qu’il avait prise pour mot de ralliement. Il se composait des païens opiniâtres, des chrétiens dissidens, des juifs, des manichéens, en un mot de tous les sectaires dont l’unité catholique tendait à étouffer ou à dominer les croyances : autour d’eux se groupaient les débris des dernières factions politiques, les fonctionnaires d’Eugène et de Maxime, leurs familles, leurs partisans, tous ceux qui avaient reçu ou espéraient quelque chose de ce gouvernement de passage ; enfin cette masse de mécontens et de jaloux que trouve toujours en face de lui un ordre nouveau. On pouvait l’appeler le parti ennemi de la maison de Théodose, car il faisait rejaillir sur les enfans la haine dont il avait poursuivi le père. Son siège était à Rome, son point d’appui dans le sénat, conservateur des antiques traditions, où la religion et la politique se confondaient. L’aristocratie latine tenait la tête de cette milice, qui se réunissait autour du pontife Symmaque, le plus éloquent, le plus vénéré, le plus honnête peut-être des patriciens romains. Chose bizarre en apparence, simple et naturelle pour qui pénètre au fond des choses, ces hommes de foi si diverse, polythéistes, monothéistes juifs ou chrétiens, gens du monde indifférens, philosophes railleurs, thaumaturges, devins, se croyaient frères sous le drapeau de la liberté religieuse qu’avait levé le sénat de Rome, ancien prescripteur des religions étrangères et bourreau de qui les confessait! Il avait fallu les victoires de Constantin pour que cette assemblée comprît le droit des chrétiens à servir leur Dieu, et ratifiât l’édit de tolérance. C’était elle maintenant qui réclamait la liberté contre le christianisme, devenu religion de l’état, dans celle de ses communions qui admettait le moins de discussion, et dont le symbole était le plus absolu. Réuni dans une unité factice que les chrétiens appelaient l’unité de l’erreur, ce parti n’était compacte que pour la lutte; les opinions se divisaient ensuite et se combattaient. Le sénat lui-même n’était pas un dans sa croyance : une minorité chrétienne cherchait à le dissoudre, et le scepticisme rongeait au cœur ces familles, païennes