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provinces qui ne produisaient autrefois qu’une laine maigre et grossière s’efforcent aujourd’hui d’en augmenter la quantité et d’en améliorer la nature par des croisemens convenables. Du reste, la force, la souplesse, la finesse, la longueur du brin, sont modifiées par plusieurs circonstances. Il existe une énorme différence entre la laine qui sert à fabriquer nos tissus les plus riches et la toison grossière, souvent entachée de poils jarreux, qui se transforme en tapis ou en simples matelas. Bien des qualités intermédiaires s’échelonnent entre ces extrêmes. Malheureusement les laines les plus fines sont fournies par des bêtes de petite taille, de formes défectueuses, de santé délicate, qui exigent par conséquent des soins fort minutieux, et qui d’ailleurs conviennent peu à la boucherie, rendent moins de viande nette et s’engraissent mal. Or le renchérissement du prix de la viande, qui ne voyage pas, comme fait la laine, exige que l’on se préoccupe davantage de la vente au boucher, et que l’on s’en tienne, pour les toisons, aux qualités moyennes. Ces sortes de laines sont en effet les plus recherchées, parce qu’elles conviennent à un plus grand nombre d’usages.

Le plus souvent nos cultivateurs vendent leurs toisons en suint, telles qu’elles viennent de tomber sous les ciseaux du tondeur. Le lavage est ensuite effectué, soit par les marchands de laine, soit par les fabricans eux-mêmes. Cependant en Bourgogne et dans plusieurs autres contrées on lave à dos, avant la tonte, la laine des moutons. Cette pratique ne donne qu’un lavage incomplet, et parfois elle augmente les difficultés du nettoyage définitif. Il faut bien s’y soumettre, lorsqu’elle est imposée et maintenue par les usages du commerce; mais les frais de main-d’œuvre qu’elle entraîne et les inconvéniens qui peuvent en résulter pour la santé des bêtes devraient y faire renoncer tous ceux qui peuvent s’en affranchir. Quel que soit l’état des laines que l’on livre, elles se classent en laines à cardes et en laines à peigne. Les premières sont prises sur des animaux à toison courte et frisée, comme le mérinos et le south-down, les secondes sur des animaux à toison longue et mécheuse, comme le flamand et le dishley. Quelquefois aussi on rencontre des moutons dont la laine affecte une apparence plus soyeuse. Cette particularité a même été mise à profit pour créer une famille remarquable, connue sous le nom de Mauchamp, dont les mérites spéciaux sont avantageusement utilisés dans certains croisemens.

On distingue en France de nombreuses variétés de moutons. Cependant, à bien examiner les choses au point de vue de l’industrie agricole, on peut n’établir que trois catégories principales entre lesquelles se partageraient facilement toutes nos races ovines. Il y aurait alors les moutons communs désignés dans une foule de provinces sous le nom de moutons de pays; les moutons dont la laine