Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 40.djvu/171

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Comme les vaches sont partout exposées à une affection tuberculeuse qui devient mortelle quand, pour forcer leur rendement en lait, on les condamne à un emprisonnement continu et à une nourriture trop aqueuse, nous ne serions pas surpris que la forte proportion de pulpe de betterave dont se compose l’alimentation des bêtes bovines autour des établissemens industriels du département du Nord fût pour quelque chose dans le développement des péri-pneumonies contagieuses[1]. La nature est en effet une puissance jalouse; elle ne permet guère qu’on viole impunément ses lois, et puisque les bêtes bovines sont, dans une agriculture savante, celles dont on transforme le plus les conditions essentielles de vie, il ne faut pas s’étonner qu’elles deviennent parfois les victimes de perfectionnemens. excessifs.


II. — LE MOUTON. — LA CHÈVRE.

Ordinairement on rencontre assez peu de moutons là où les bêtes bovines abondent. Le mouton ne tarderait pas à périr dans les pâturages humides, qui conviennent si bien à nos grands ruminans, tandis que ceux-ci mourraient de faim sur les maigres gazons, les bruyères et les chaumes dont le mouton sait au besoin se contenter.

Le mouton, qui réussit à merveille sur les sols d’une fécondité moyenne, et qui peut vivre sur des terres pauvres et sèches, peut aussi passer facilement d’une contrée à une autre pour aller chercher les fourrages qui lui manquent. La transhumance remonte aux temps antiques. Cette méthode est usitée en Espagne, et en Italie; en France, on la pratique aussi quelquefois. Le Béarn envoie ses moutons passer l’hiver dans la Gironde; la Provence envoie les siens passer l’été sur les Alpes, et c’est par centaines de mille qu’il faut compter les animaux soumis à un tel régime. Les moutons transhumans doivent appartenir à des races sobres, rustiques et marcheuses. Ils donnent peu de fumier, puisqu’ils restent peu de temps à la bergerie ; ils ne parviennent pas à un état de graisse remarquable, car ils vivent comme des nomades toujours en quête de leur nourriture. Les propriétaires ont à compter, non pas seulement avec les maladies et avec les accidens de la route, mais encore avec la fidélité des gardiens, et cependant ces troupeaux constituent la richesse de plusieurs pays, parce qu’ils transforment en laine et en viande, aux moindres frais possibles, des pâturages qui trouveraient difficilement un autre emploi.

Malgré les nombreux mérites que présentent les bêtes dont il

  1. L’inoculation, qui est pour les bêtes ce que la vaccine est pour les hommes, semble promettre à nos agriculteurs un moyen efficace de diminuer notablement les ravages de la pleuropneumonie contagieuse.