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En tête du groupe qui doit nous occuper aujourd’hui se rencontre une espèce singulièrement intéressante, qui remplit à la fois dans nos fermes deux rôles très distincts. Se faisant tantôt les laborieux auxiliaires de nos labours, tantôt les tranquilles producteurs de la viande et du lait qu’exige notre alimentation, les animaux de l’espèce bovine servent de transition toute naturelle entre les deux parties de cette étude. C’est bien d’eux par conséquent qu’il convient de parler tout d’abord.


I. — L’ESPECE BOVINE.

Le bœuf a toujours été considéré comme l’emblème par excellence de l’agriculture. Force, viande, lait, fumier, corne, cuir, etc., l’espèce bovine nous fournit tout cela beaucoup plus abondamment qu’aucune autre espèce d’animaux. Il est donc à regretter que la population bovine de la France ne dépasse pas le chiffre de douze millions de têtes. La Bretagne et l’Auvergne, ces centres d’active reproduction, en comptent le plus grand nombre. Viennent ensuite l’Anjou, le Maine, le Poitou et la Flandre, c’est-à-dire les pays où la pratique de l’engraissement des bêtes bovines s’est le mieux développée. La Normandie elle-même, malgré l’extrême importance que l’agriculture y a donnée à la production du lait, ne figure (proportionnellement à son étendue) qu’après toutes ces provinces.

La diversité des services que rend l’espèce bovine contribue puissamment à maintenir les différences souvent profondes qui caractérisent les nombreuses races dont elle se compose. Tantôt c’est la rusticité que l’on demande en vue du travail, tantôt au contraire on se préoccupe surtout de la plus ou moins grande aptitude de l’animal à l’engraissement ; dans certains pays enfin, l’industrie principale s’exerçant sur le lait, tout est sacrifié à cette production. Le même animal ne peut exceller au même degré, et surtout dans le même temps, comme bête de travail, comme bête lainière et comme bête de boucherie ; mais, tout en conservant les caractères propres d’une race, il serait possible de corriger, dans une certaine mesure, les défauts qui la déprécient. M. Magne a donc pu dire avec raison : « Lorsque nos races bovines auront acquis toute la perfection qu’elles sont susceptibles d’acquérir, il suffira d’élever convenablement les veaux et les velles pour les rendre aptes, ou adonner du lait, ou à s’engraisser, ou à travailler[1]. »

Une juste proportion des diverses parties du corps et un entier développement des organes essentiels à la vie étant en effet, dans

  1. Étude de nos races d’Animaux domestiques, t. II, p. 327.