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ment des lignes que présentent la circonférence de l’âme de la pièce et le dessin de la tranche ouverte dans la paroi pour lui donner passage à lui-même.

Malgré la tentation qui nous est offerte, nous n’entreprendrons pas la critique de cette artillerie, et, nous bornant aux faits, nous reconnaîtrons volontiers, après l’expérience faite en Chine, que sir William Armstrong a réussi à construire un canon de campagne ; mais, nous en tenant aux faits aussi, nous devons dire que nous ne savons pas s’il a réellement réussi à produire une artillerie de gros calibre, capable d’un véritable service de guerre.

Au mois de mai 1861, sir William Armstrong, s’adressant dans une occasion publique à la corporation des arquebusiers de Londres, confessait, avec une loyauté qui lui fait le plus grand honneur, que son canon avait révélé dans la pratique en Chine des défauts auxquels il espérait avoir remédié, mais qu’il n’était pas encore parvenu à construire un canon de 100 (correspondant à notre calibre de 30) qui offrît toutes les garanties de solidité désirables. Il était arrêté, lui aussi, par le problème qui avait défié les efforts de ses prédécesseurs. Aucun des obturateurs qu’il avait inventés, quelque forme qu’il lui eût donnée, de quelques matériaux qu’il l’eût composé, ne répondait encore aux exigences du service de guerre. Cet aveu si franc produisit une profonde impression sur le public, et depuis lors il est bien peu de semaines où nous n’ayons vu révéler quelque fait qui donne lieu de supposer que sir William Armstrong n’est toujours pas beaucoup plus avancé. Celui-ci critique la faiblesse des charges de poudre avec lesquelles on essaie des pièces que l’on déclare bonnes pour le service ; celui-là, profitant d’une indiscrétion, raconte que tel ou tel jour, c’est telle ou telle pièce, que l’on croyait meilleure ou moins imparfaite que les autres, qui a cédé après un certain nombre de coups tirés dans des conditions qui ne justifient pas une rupture. Et toujours c’est l’obturateur qui succombe en causant quelquefois des accidens ; le reste se comporte bien. Sir William Armstrong, qui a bien autre chose à faire, ne répond pas toujours à ces critiques ; mais cela lui arrive parfois, et alors ce qu’il y a de remarquable dans ses réponses, c’est que le plus ordinairement il ne contredit ni ne cherche à expliquer les faits qu’on lui objecte : il se contente d’opposer à des exemples peu rassurans des exemples moins décourageans, d’opposer à une pièce qui a éclaté au cinquième ou au sixième coup des pièces qui en ont supporté cinquante ou soixante sans se rompre.

Si intéressante et si instructive que soit la polémique engagée entre sir William Armstrong et ses contradicteurs, on pourrait récuser les inductions que nous sommes porté à en tirer, si l’administration publique, si la marine elle-même ne les avait pas confirmées