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rait à 1842 qu’il faudrait remonter. Au moins c’est ce que nous devons conclure d’une note qui parut dans le Moniteur du 5 août 1859, au lendemain de la campagne d’Italie, et dont la rédaction fut attribuée par le bruit public à la plus haute autorité. Cette note était ainsi conçue : « L’empereur, qui ne laisse jamais sans récompense un service rendu, vient de nommer colonel d’artillerie M. le lieutenant-colonel Treuille de Beaulieu, directeur de l’atelier de précision, pour la part capitale qu’il a prise à la création du nouveau système de canons rayés qui, dès l’année 1842, avait déjà été de sa part l’objet d’études suivies et d’ingénieuses théories que l’expérience a pleinement confirmées. »

Le véritable inventeur de notre canon rayé serait donc M. le colonel Treuille de Beaulieu, et si le journal officiel ne le dit pas plus expressément, c’est qu’à cette époque il y avait engagés dans la question beaucoup de talens et d’amours-propres respectables que l’on tenait à ne pas froisser tout en rendant justice à qui de droit. La vérité toute simple serait, si nous sommes bien informé, que, lorsqu’en 1855 la volonté de l’empereur eut saisi les sommités de l’arme du problème de l’artillerie rayée en exigeant presque une solution, un certain nombre d’officiers se trouvèrent aussitôt capables de produire des projets, et que, lorsqu’il fallut choisir entre ces projets, on trouva que non-seulement le système proposé par le colonel Treuille de Beaulieu était plus avantageux que les autres, mais encore que l’inventeur pouvait faire remonter jusqu’à 1842 l’époque où il avait exposé les principes qui ont servi de base à ses travaux.

Nos voisins cherchaient depuis quelque temps déjà à se pourvoir d’une artillerie rayée, lorsque le bruit du canon de Solferino leur apprit ce que nous avions trouvé. Alors l’administration anglaise, pressée par le désir d’avoir, elle aussi, son canon rayé, et choisissant entre les divers systèmes qui lui étaient présentés, se décida pour celui que proposait un métallurgiste du nord de l’Angleterre, M. Armstrong. Comme chez nous, il y avait eu en Angleterre un assez grand nombre de compétiteurs : M. Lancaster, M. Joseph Whitworth, le capitaine Blakely, M. Scott, etc. ; mais ils étaient tous écartés au profit de M. Armstrong, dont l’invention était exaltée au-dessus de toutes les autres, à qui l’on faisait de très beaux, avantages pécuniaires et à qui l’on accordait par-dessus le marché des titres honorifiques, car il devenait chevalier du royaume-uni de la Grande-Bretagne et d’Irlande sous le nom de sir William Armstrong.

Si nous rappelons ces détails, que personne d’ailleurs ne peut avoir oubliés, c’est sans intention maligne à l’égard de sir William