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ou 180 mètres. Et il faut ajouter que ce canon, fabriqué avec un soin extrême sous la direction de sir William Armstrong, a donné des signes de faiblesse après le quatrième coup, et qu’il passe pour être hors de service après avoir tiré six coups seulement ! En tout cas, le poids, les dimensions, les reculs si violens de ce canon, ne permettraient pas de l’employer dans l’artillerie navale.

Dans cette lutte entre l’offensive, représentée par le canon, et la défensive, par la cuirasse, la victoire serait donc probablement restée à celle-ci, si l’invention de l’artillerie rayée n’était pas venue modifier les situations en augmentant d’une façon très notable la puissance des moyens d’attaque. En effet, et outre les qualités très supérieures qui lui appartiennent comme portée, comme justesse de tir, etc., l’artillerie rayée possède un avantage très considérable dans cette question : c’est qu’à calibre égal, ses projectiles allongés, maintenus dans leur course par leur forme et par leurs ailettes, conservent beaucoup plus longtemps et portent beaucoup plus loin que les boulets sphériques la force vive qui les a mis en mouvement dans l’âme du canon par la conflagration de la poudre. Ceci revient à dire qu’ils ont dans tous les cas une puissance de pénétration beaucoup plus grande, et en regard des cuirasses c’est la qualité principale à rechercher.

Si l’on consulte les tables de tir qui ont été dressées pour l’instruction des officiers d’artillerie, voici en effet ce qu’elles enseignent :

Le canon-obusier ou canon Paixhans, de 22 centimètres de diamètre[1], tirant avec une charge de poudre de 3 kilogrammes 1/2, lance un boulet creux avec une vitesse initiale de 411 mètres par seconde, réduite à une vitesse de 380 mètres à la distance de 100 mètres, et de 158 mètres seulement à 1,200 mètres de distance. — Le canon de la marine de 50, tirant à la charge de 8 kilogrammes de poudre, lance un boulet plein avec une vitesse initiale de 485 mètres, qui se trouve successivement réduite dans le parcours du projectile à 458, 351, 265, 190 et 162 mètres aux distances de 100, 600, 1,200, 2,000 et 2,400 mètres. — Le canon de la marine de 30 long, tirant à la charge de 5 kilogrammes, lance son boulet plein du poids de 15 kilogrammes avec une vitesse initiale de 485 mètres par seconde, comme le canon de 50 ; mais cette vitesse se réduit aux chiffres de 452, 328, 235, 159 et 132 mètres aux distances de 100, 600, 1,200, 2,000 et 2,400 mètres.

Comparant maintenant ces vitesses à celles du canon rayé, on

  1. Dit communément de 80, parce que le volume des projectiles aurait correspondu, s’ils avaient été pleins, au calibre de 80.