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un élément de désordre politique. Je me rappelle avoir, en avril 1859, à maintes reprises, entendu Cavour se plaindre de ne pouvoir obtenir les uniformes, les munitions, les fusils, qu’on avait promis de lui livrer pour les volontaires. D’ailleurs il faisait grand fonds sur ces corps irréguliers. » L’ancien secrétaire de M. de Cavour, M. Artom, rend le même témoignage. « Une nuit, le général vint s’asseoir au chevet du comte de Cavour, et accepta le rôle dans lequel il devait peu de temps après accroître avec tant de bonheur sa juste renommée. Quant au comte de Cavour, il ne songea pas même aux embarras, aux préoccupations que devait lui attirer ensuite cette alliance avec le parti avancé. Et lorsqu’au milieu des crises des deux années suivantes on le blâmait d’avoir prêté des forces à ce parti en rappelant sur le théâtre de l’action le héros de Montevideo, il répondait nettement qu’il était loin de s’en repentir, si grande était la nécessité de transformer en armée d’Italie la brave armée du roi de Sardaigne, et de faire que le plus grand nombre possible d’Italiens prît part à la guerre nationale. » Ainsi les grandes difficultés du présent, la question romaine, les volontaires, Garibaldi, étaient visibles dès l’origine même de la guerre de 1859. « Qui veut la fin veut les moyens, » dit le bon sens populaire. N’est-il pas aussi juste de dire que quand on a voulu les moyens, il faut vouloir la fin ?

Il ne s’est écoulé que trois années depuis la guerre de 1859, temps bien court, lorsqu’on songe qu’il a suffi pour développer les conséquences extrêmes de la révolution italienne. N’y a-t-il pas eu dans cette période et parmi les péripéties diverses de la crise des momens où l’on aurait pu ralentir au moins un mouvement si rapide, et choisir des haltes où l’on aurait trouvé quelque moyen de mûrir les questions avant d’en essayer les solutions improvisées ? Nous croyons que de tels momens ont existés et nous avons pris soin de les noter au passage. Malheureusement tous les partis qui ont été pris en ces occasions importantes ont eu pour effet de faire peser plus lourdement sur la question romaine le courant et l’effort de la révolution italienne.

La paix de Villafranca fut une déviation au programme de la guerre. Cette paix, cela n’est douteux pour personne, a improvisé l’unité italienne. Il est certain que, si le programme de la guerre eût été exactement observé, si l’Italie eût été délivrée, des Alpes à l’Adriatique, l’essai d’une confédération italienne eût été possible. Nous ne disons point que la confédération eût longtemps réussi : les déchiremens auxquels sont aujourd’hui en proie tous les systèmes fédératifs ne sont pas faits pour inspirer une grande confiance dans la force et la vitalité des combinaisons de ce genre. L’on se serait du moins ménagé une situation transitoire, pendant laquelle on aurait eu le temps de préparer et de mûrir des arrangemens plus raisonnables. La confédération eût prolongé le bail de la papauté avec la puissance temporelle. Les conventions de Villafranca réglementées par le traité de Zurich n’ont pas été appliquées. Certes la France eût pu facilement en imposer l’exécution par la force. Si, lorsque nous avons évacué l’Italie, une portion de