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même. Il était certain que la guerre d’Italie serait une crise pour le pouvoir temporel de la papauté ; il était certain que la guerre d’Italie exigerait l’emploi de quelques élémens et de quelques moyens révolutionnaires. Comment eût-il été possible de fermer les yeux sur l’ébranlement que la guerre donnerait à la souveraineté du saint-siège ? Le procès italien avait été commencé au congrès de Paris en 1856. Or aux dépens de qui l’avait-on ouvert ? Aux dépens surtout du gouvernement pontifical. Ce ne fut pas l’Autriche que les plénipotentiaires français, anglais et sardes mirent directement en cause devant le congrès ; ce fut le gouvernement romain surtout, et un peu aussi le gouvernement des Deux-Siciles. Après de telles prémisses, lorsqu’on allait réaliser les espérances que le congrès de 1856 avait données aux Italiens, lorsqu’on allait réformer par les armes l’état politique de l’Italie, comment eût-on pu se figurer de bonne foi que le pouvoir temporel de la cour de Rome traverserait impunément cette épreuve et y survivrait ? Voilà donc une conséquence de la guerre dont on devait, suivant toute logique, avoir pris son parti d’avance. Il en est de même de la seconde des conséquences que nous avons indiquées, l’emploi des élémens révolutionnaires. Quel fut justement l’argument de l’ultimatum autrichien qui motiva la guerre en donnant au dernier moment à l’Autriche l’apparence et la maladroite attitude de l’agression ? Il y a un singulier intérêt à rappeler aujourd’hui cette circonstance : ce fut l’organisation en Piémont des corps de volontaires recrutés sur tous les points de l’Italie. L’Autriche somma le cabinet de Turin de dissoudre cette organisation révolutionnaire. Or cet enrôlement des volontaires avait été une des préparations à la guerre que M. de Cavour avait eues le plus à cœur. Un jour, c’est encore à M. W. de La Rive que nous empruntons ce souvenir, « le valet de chambre du ministre entra dans le cabinet où Cavour travaillait. — Il y a là un homme, dit-il, qui demande à voir monsieur le comte. — Quel est son nom ? — Il n’a pas voulu le dire. Il a un gros bâton et un grand chapeau ; il prétend que monsieur le comte l’attend. — Ah ! reprit Cavour en se levant, faites entrer. » Celui que le valet de chambre appelait « un homme, » ce gros bâton, ce grand chapeau, c’était Garibaldi, arrivant, sur l’invitation de M. de Cavour, de son rocher de Caprera. Cavour, à ce que raconte M. de La Rive, avait toujours eu du goût pour Garibaldi depuis le temps où le condottiere commençait ses aventures à Montevideo. Il aimait à le défendre contre les gens du métier, qu’offusquait la renommée d’un général dont la promotion n’était inscrite sur aucun annuaire. « En 1859, dit M. de La Rive, Cavour avait, pour désirer le concours de Garibaldi, deux raisons : l’une purement politique, tenant à la position de chef de parti du défenseur de Rome, l’autre provenant d’une juste appréciation des services que rendrait un soldat habile et brave jusqu’à la témérité… De là l’organisation des volontaires ; mais il fallut toute la fermeté et surtout le pouvoir de Cavour pour vaincre les obstacles que cette organisation rencontra de la part du ministère de la guerre, qui y voyait un élément de désordre militaire, et de la part de la diplomatie, qui y voyait