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en forme de poire, li-chi, en forme de fleur d’épidendrum, de bambou et de nymphœa, des sièges et des tables de jardin en forme de baril, des caisses à fleurs rondes et carrées, etc. Les vases pour le palais impérial étaient choisis avec soin ; on en gardait dix sur mille. Au contraire les vases yang-khi (littéralement vases des mers), c’est-à-dire destinés à être transportés au-delà des mers, étaient de qualité inférieure.

La liste des couleurs céramiques chinoises ne consiste pas, comme à Sèvres, dans des tons rabattus, mais dans les couleurs franches. Ainsi, pour les blancs par exemple, ils ont le blanc couleur d’ivoire et couleur de riz, le blanc de crème et le blanc de neige, le blanc azuré, le blanc œuf d’autruche et tant d’autres, qui donnent une grande harmonie aux couleurs qu’on applique sur ces fonds. Le feï-tsouï (vert pâle de cuivre) est ce vert céladon d’un ton si fin ; puis viennent le vert de petit pois, le vert de montagne, le vert d’eau, le jaune de vieux cuivre, le jaune citron et le jaune d’anguille. Les noirs sont tantôt mats, tantôt luisans, à reflets bruns ou violets, et ainsi de suite pour tous les tons. C’est comme cela qu’ils comprennent la richesse et la variété des couleurs, exactement comme la nature dans les nuances de ses fleurs et de ses oiseaux, et non pas en les éteignant par l’ombre et la nuit.

Les différentes roches et les argiles employées en Chine comme matière à porcelaine sont très nombreuses, et doivent, on le conçoit, donner naissance à une diversité extrême de produits. C’est ainsi qu’on peut expliquer les variétés si grandes qu’on trouve dans les porcelaines île ce pays. Il est évident que nous manquons de hardiesse dans les recherches de terres à porcelaine et dans les essais de combinaisons. Nos montagnes, particulièrement les Pyrénées, nous offrent bien des roches décomposées qu’il suffirait de mettre en œuvre. Ne pourrait-on pas aussi, comme il semble que le font les Chinois, se servir de cette crème de stalactite qu’on trouve dans les grottes, et qui compose cette vitrification naturelle demi-opaque précédant la transparence complète du cristal de roche ? L’émail des coquilles dont se servaient les Phéniciens devrait être encore étudié avec soin.

Sans doute nos critiques vont paraître injustes aux artistes d’un talent incontestable qui travaillent à Sèvres ; mais ce n’est pas leur œuvre en elle-même que nous blâmons, c’est l’application. Nous reconnaissons volontiers l’habileté avec laquelle sont peints ces bouquets de fleurs, ce portrait, cette marine ; mais nous repoussons cette décoration pour une coupe ou pour une assiette. La question n’est donc pas de faire plus habilement, mais de faire autrement. Avant tout, ne cherchons pas le tour de force, ne cherchons pas à imiter avec du cuir la sculpture en bois, avec du verre une plaque de bronze, avec de la laine ou de la soie une peinture à l’huile.