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Quelques exemples donneront une idée de la variété de la fabrication chinoise. Parmi les écuelles destinées au thé, la porcelaine de Youeï, qui se fabriquait en 618 et ressemble tantôt au jade, tantôt à de la glace, est préférable lorsqu’elle est bleue, parce qu’elle donne au thé une teinte verte. Les porcelaines faites en 907 uniquement pour l’usage du palais impérial portaient le nom de porcelaines de couleur cachée. Un peu plus tard, on fit des porcelaines violettes dont la couleur était due à un émail plombé, ce qui fait remonter haut ce procédé que M. Brongniart croit de découverte récente, puis des cruches, des jarres, de grands vases lagènes pour les fleurs, des bols, des tasses, les unes minces et au col évasé, d’autres semées de gouttes et de perles jaunes, couleur poil de lièvre, ou d’un noir pâle et luisant. D’autres, sous la dynastie des Song, en 1227, étaient rayées comme les pattes du crabe, sur fond blanc ou jaune. Les porcelaines fendillées étaient à la mode de 1120 à 1270, sous la dynastie des Song du midi. Il y a la grande et la petite craquelure, et toute une série dans ces deux genres. Les Chinois sont d’une grande habileté pour obtenir sur la glaçure de leurs vases ces tressaillures plus ou moins serrées et régulières ; elles étaient parfois blanc de riz ou bleu pâle. On combinait une certaine argile avec l’émail, et en sortant du four les vases offraient des veines courant en tous sens, comme si la surface en était brisée ; ensuite on frottait ces fêlures de l’émail avec de l’ocre rouge, du vermillon ou de l’encre, et le réseau apparaissait distinctement. Parfois on peignait des fleurs bleues sur ce fond. On nomme ces vases tsoui khi (vases craquelés). Pour obtenir ce résultat, il y a encore d’autres procédés : après les avoir enduits d’émail, on les expose d’abord à un soleil très ardent ; puis, dès qu’ils sont bien échauffés, on les plonge dans une eau très froide et on les retire subitement pour les remettre au four, et c’est en sortant qu’ils apparaissent couverts de ce réseau nommé craquelé, et dont le but est de détruire surtout l’uniformité des tons.

Sous le règne de l’empereur Chi-tsong, en 954, un fabricant s’étant adressé à lui pour savoir quelle porcelaine il préférait, l’empereur lui répondit qu’il désirait que celles destinées au palais fussent bleues comme le ciel qu’on aperçoit après la pluie dans l’intervalle des nuages. Elles étaient, au dire des écrivains chinois, « bleues comme le ciel, brillantes comme une glace, minces comme du papier, sonores comme l’instrument de musique appelé khing, et remarquables autant par la finesse des craquelures que par la beauté de la couleur. » Elles devinrent, dans les siècles suivans, si rares et si précieuses, que les morceaux se montaient en bagues, en colliers ou en boutons sur le bonnet. Cette nuance, bleu de ciel après la pluie (tsi-tsing), est sans doute cette belle couleur du bleu de cuivre ou