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et des études plus graves, a fait fi de l’or et de la pourpre ! Il n’en est rien. Quand nos cathédrales se bâtissaient au milieu des époques les plus troublées, elles étaient partout ornées de brillantes couleurs ; on ne les considérait pas comme achevées sans cela. Les tombeaux eux-mêmes, à l’instar des tombes orientales, étaient décorés de marbres, d’armoiries peintes et de devises dorées. Les vitraux entraient pour une part importante dans cette décoration. Les mosaïques, les faïences, les émaux, les étoffes et tout ce que les métaux précieux ou les pierreries offrent de plus éclatant était amoncelé dans les temples et les palais. Égyptiens, Assyriens, Grecs, Romains, Arabes, Persans et chrétiens du moyen âge, tous croyaient qu’il n’en pouvait être autrement. Notre moderne indifférence pour la couleur ne s’explique donc ni par la tradition, ni par le bon goût, ni par le climat, mais par l’oubli le plus complet des règles de l’art.


III

Cet abandon de la couleur, cet oubli de son origine et du but qui lui avait été assigné, datent pour la manufacture de Sèvres de l’époque où, renonçant à ses succès passés, elle voulut suivre la mode funeste que David et son école répandirent dans les arts comme dans l’industrie. Sous prétexte de sévérité archaïque et républicaine surtout, on détruisait toutes les merveilles des derniers siècles, en les ridiculisant sous le nom de rococo, et on les remplaçait par du soi-disant grec et. romain dont on ne savait même pas comprendre le style et le caractère. Les vases gréco-étrusques devinrent alors le vrai modèle à suivre. Ce style funéraire, fort peu décoratif dans un appartement, servit encore à faire oublier toute la fabrication chinoise, tous ces secrets du métier qu’on avait obtenus et découverts avec tant de peine. Toutefois la chimie fit de vains efforts pour imiter ce genre de poterie, pour produire cette glaçure des vases grecs, solide, mince, inattaquable même par les agens puissans qui détruisent les nôtres.

Il nous suffirait peut-être, afin de montrer le peu de goût qu’on a généralement pour les vases grecs, de demander pourquoi, jusqu’à ce jour, l’art n’a jamais cherché dans aucun pays et à aucune époque à les imiter. On devrait se rappeler qu’au moyen âge et au temps de la renaissance, alors que les artistes italiens recherchaient dans la statuaire du siècle de Périclès les modèles les plus purs de la forme, on ne songea pas un seul instant à refaire des vases de ce style. Ce fut l’Orient, ce furent les faïences arabes et persanes qui servirent de modèle. Les particuliers, dit-on, se disputent les vases grecs au poids de l’or ! Mais si quelques antiquaires les achètent, c’est à cause de l’antiquité et aussi de la rareté ; ils les recherchent