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par la beauté des tons, la délicatesse des ornemens filés en rubans et insufflés dans le corps du verre. Ces flacons phéniciens en forme d’oiseaux, avec des inscriptions de toute couleur, remarquables par la fine composition de la matière, imitent dans leur coloration les plus rares nuances des pierres précieuses ; parfois une dorure intérieure augmente encore l’intensité de l’éclat. Divers passages d’Isaïe nous renseignent sur ces travaux d’art de la ville de Tyr.

Les verreries principales étaient établies à Sidon et à Sarephta, et durèrent, selon Pline, une longue suite de siècles. Le luxe avait introduit de bonne heure dans ces contrées l’usage de revêtir de verre et d’émail l’intérieur des appartemens, les parois des murs et les plafonds. En Assyrie, en Perse, il en fut de même, et cette mode élégante s’y est conservée jusqu’à nos jours. Les palais persans ont toute une architecture décorative intérieure, composée de miroirs formant les corniches, les frises, les colonnettes et les pendentifs, où la géométrie prismatique produit les plus gracieux entrelacs. Les verroteries de toute espèce en bijoux et ustensiles, les mosaïques et les émaux cloisonnés qui dérivent de l’art de façonner le verre, art dans lequel excellèrent plus tard les ouvriers de Byzance, furent pour ce pays une source abondante de prospérité.

Ces vases murrhins, qui n’étaient autre chose qu’une habile vitrification, étaient payés au poids de l’or pour former la vaisselle luxueuse des princes et des riches. L’Orient a toujours cherché ses modèles dans l’observation directe des produits de la nature, dans ce laboratoire magnifique où il suffit de regarder pour découvrir et puiser sans cesse. Les cristallisations et les pierres précieuses révélaient à des yeux attentifs les secrets de la vitrification, et de même, dans ces innombrables séries de coquilles des golfes indiens, dont la pâte, la couleur et l’émail sont des modèles faciles à étudier et à imiter, les ; Orientaux copièrent les faïences et les porcelaines. Les habitans de Sarephta en particulier avaient trouvé dans les coquillages qui abondent sur leurs rives de précieux matériaux autant pour la fabrication du verre et de l’émail que pour celle de la couleur.

Ce fut en faisant la conquête de ces côtes que les Vénitiens surprirent les secrets des métiers ; ils y envoyèrent ensuite chercher le sable pour leur fabrique de Murano, On a trouvé dernièrement, à l’aide d’analyses chimiques et du microscope, en restaurant les peintures souterraines de la Sainte-Chapelle de Paris, que les tons roses et violets étaient produits par des coquilles de même couleur réduites en poudré, procédé rapporté des croisades, comme toute l’élégante architecture de ce monument. Il n’est pas douteux pour nous, qui les avons vus à l’œuvre, que ces peuples, observateurs