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surface poreuse des terres cuites d’un enduit vitreux, imperméable et fortifiant. La cuisson au feu de l’argile des poteries fit découvrir sans doute fort promptement les propriétés du sable ; on vit qu’il était fusible, vitrifiable, propre à se convertir en émail à la fois solide et transparent. En effet, une brique soumise à une certaine intensité de flamme se glace toute seule, pour peu que s’y prête la composition de la terre : la portion de sable qu’elle contient se change en verre, coule à la surface et la vernisse. C’est ce vernis qu’on nomme glaçure, émail ou couverte. De là est sortie, dans les siècles les plus reculés, toute l’abondante industrie du verre et de la porcelaine.

Et cependant il n’y a pas encore cent cinquante ans que la première fabrique de porcelaine fut fondée en France ! La manufacture de Sèvres eut pour mission d’imiter les beaux vases chinois et japonais que l’Europe accueillit avec tant de surprise et d’admiration. L’art était donc le but principal de cette institution céramique, qui, des l’origine, a été d’une utilité et d’une supériorité incontestables. Aujourd’hui elle semble oubliée, négligée ou plutôt déconsidérée. Depuis les désastres que les révolutions lui ont fait subir, elle n’a pu reprendre sa vitalité première et marcher, comme autrefois, en tête de la céramique européenne. Cet affaiblissement est tel qu’on peut contester l’influence de la manufacture de Sèvres et en discuter même l’utilité. De pareilles accusations seraient sans valeur, si la direction, au lieu de s’engourdir dans des essais mesquins qui disséminent ses forces et ses moyens d’action, se mettait franchement et largement à la tête de la fabrication française, si enfin, ayant un but arrêté, elle produisait avec la même assurance et la même fécondité que la manufacture impériale de King-te-tchin, qui dans une seule année livre à la circulation plusieurs millions de pièces de porcelaine grandes et petites.

Au lieu de ces efforts, nous ne trouvons ici que tâtonnemens et incertitude. Il semble qu’on ait oublié tous les principes et perdu toutes les notions sur l’art des formes et de la décoration. À voir aujourd’hui ces salles désertes et ces cours solitaires, on dirait un vaste cloître abandonné des anciens possesseurs. Et cependant cette fondation, créée pour servir de type aux établissemens privés, pourrait aisément trouver en elle-même sa force et sa richesse. Elle devrait servir de guide au goût public, au lieu d’en subir trop souvent l’influence, et demeurer, par ses productions, par son musée, par un enseignement supérieur, une école essentiellement utile aux fabricans français. Le danger réel, l’obstacle à la restauration de la manufacture de Sèvres est surtout dans la fausse route où depuis longtemps la fabrication est engagée. Cette mauvaise direction, il