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c’est uniquement en qualité d’intermédiaires officiels, puisqu’elle leur interdit, sous les peines les plus sévères, tout acte de commerce et toute espèce d’immixtion, même par voie de garantie, même par avances de caisse, dans les opérations commerciales qu’ils peuvent avoir à traiter.

Or, s’il arrive, comme aujourd’hui, que le développement du crédit, de la richesse publique et des relations commerciales rende nécessaire l’usage des marchés à terme, marchés qui ne sont susceptibles d’être conclus qu’entre commerçans pouvant en garantir l’exécution par leurs engagemens personnels, payer et recevoir pour le compte de leurs commettans, tirer, accepter, endosser, faire enfin tous les actes de commerce résultant de ces marchés, qui devra les négocier ? Les agens de change ne le peuvent pas, les articles 85 et 86 le leur défendent ; d’un autre côté, la jurisprudence qui s’est établie sur l’article 76 l’interdit à tous autres. Toutefois, et en revendiquant les profits de cette jurisprudence, les agens de change ont été conduits à faire toutes les opérations qui leur sont défendues. Ce désordre est-il utile, et doit-il être respecté parce qu’il est placé sous la sauvegarde d’un monopole ? Si ce monopole, violation flagrante de la loi par les fonctionnaires eux-mêmes qu’elle a institués, pouvait être toléré sans que les intérêts généraux fussent évidemment sacrifiés aux intérêts privés d’une corporation, on pourrait dire stoïquement : dura lex, sed lex ; mais il n’est plus permis de douter aujourd’hui, après bientôt trois années d’expérience, que ce monopole ne soit la cause principale, sinon la cause unique, de l’atonie où sont tombées les affaires financières et de la dépréciation des titres représentatifs du crédit de l’état et de la fortune publique. Il était facile de concevoir en effet que concentrer toutes les négociations d’une immense quantité de titres de nature diverse sur un marché unique, restreint et livré sans concurrence possible à une compagnie privilégiée, c’était rendre ce marché confus, déréglé, inaccessible au public, dont les intérêts se trouvent subordonnés à des intérêts privés, et finalement en éloigner les capitaux.

Comment est constitué ce monopole, et sur quels droits repose-t-il ? Il existait, il y a peu d’années, à la Bourse de Paris, un marché libre que l’on appelait la coulisse. Des maisons de commerce patentées, dont quelques-unes avaient à leur disposition de grands capitaux, faisaient, pour le compte de tiers, sur ce marché des opérations de spéculation financière. Ces maisons pratiquaient depuis longtemps ce commerce sous les yeux de l’autorité et s’entremettaient dans la négociation et le placement de tous les effets publics, comme les courtiers de papier s’entremettent dans le placement et la négociation du papier de banque sur Paris et l’étranger, négociation