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de grandes quantités de viande : battue, coupée même et mise avec du beurré dans des pots, cette viande forme un mets appelé kavurmeh, qui est en usage surtout pour les longues excursions. D’ailleurs le noir en voyage, s’il manque de vivres et d’eau, ouvre la jugulaire à sa bête de somme et se rassasie comme une sangsue.

Tels sont les habitans de la terre fortunée de la Lune. Ils ne le cèdent guère en barbarie et en grossièreté à leurs congénères du reste de l’Afrique. Quelques autres détails sur leurs relations sociales, leur industrie, leurs arts rudimentaires, leurs croyances, se présenteront naturellement quand nous pénétrerons dans les villes de ces Africains. Pour le moment, il faut reprendre, à la suite de MM. Burton et Speke, les chemins qui mènent aux lacs, but de leurs laborieux efforts.


II. — LE COMMERCE DES ESCLAVES. — MOEURS INDIGENES.

En poursuivant leur itinéraire à travers l’Unyamwezi, les voyageurs anglais ne s’appliquaient pas seulement à recueillir des informations sur les indigènes, ils examinaient aussi avec attention la faune et la flore des régions qu’ils traversaient. De la flore il y a peu à dire : elle est semblable à celle des contrées voisines. La faune offre certaines particularités. Le nyanyi, cynocéphale rouge ou jaune, qui atteint la taille d’un grand chien, est la terreur des districts qu’il habite ; et les femmes surtout doivent craindre d’approcher de sa retraite. En troupe, ces cynocéphales ne redoutent, assure-t-on, ni le lion ni le léopard. Il existe un singe d’une autre espèce, appelé dans le pays mbega. C’est le même que le docteur Livingstone a vu dans l’Afrique australe, où on l’appelle polumé. Il est remarquable par sa peau, d’un noir luisant, sur laquelle s’épand une sorte de chevelure blanche comme la neige. C’est un joli animal, très propre, toujours occupé à polir sa belle robe. On le persécute pour sa dépouille ; mais, suivant un dire des Arabes qui soit un peu la fable, le polumé ne veut pas la livrer, et quand il se sent frappé à mort, il la déchire lui-même. Ce joli quadrumane vit sur les arbres, sans descendre à terre, et ne se nourrit que de jeunes feuilles et de fruits.

Dans le voisinage de l’Unyanyembé, on trouve, disent encore les Arabes, une espèce de chien sauvage très féroce, haut de dix-huit pouces. Ces animaux se rassemblent en troupes ; de vingt à deux cents pour se jeter, avec d’affreux hurlemens, sur les bêtes et même sur les hommes. Les oiseaux aquatiques, gibier toujours préparé pour le chasseur, abondent sur les moindres mares. Les autruches sont devenues rares. Des libellules au fin corset, aux ailes puissantes,