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campagne n’était pas encore commencée ; mais la géologie plutôt qu’un simple but de curiosité m’amenait à Montioni, et, accompagné du gardien, je pus parcourir ces carrières curieuses et la fabrique qui en dépend.

Les carrières sont très anciennes ; pendant tout le moyen âge, elles ont été activement exploitées. Elles appartenaient, ainsi que beaucoup d’autres, à la république voisine de Massa-Maritima, qui vendait l’alun à Florence. On l’y employait comme mordant pour la teinture dans le travail de la laine, l’arte della lana, comme on le nommait. C’est ce travail qui contribua surtout au renom de cette grande cité, et qui fut la principale source des richesses de ses illustres marchands. Sous les grands-ducs, les carrières de Montioni continuèrent d’être exploitées ; mais l’industrie et la fortune des Florentins avaient disparu avec la liberté. Néanmoins Cosme Ier fit travailler activement sur les alunières de la Toscane, non-seulement celles de Montioni, mais encore celles de Campiglia. Il avait même confié la direction de celles-ci à un maître-ouvrier qu’il fit venir expressément de la Toi fa, près de Rome. Les carrières de la Tolfa étaient alors et sont aujourd’hui encore les plus réputées de l’Italie, on en exporte les produits dans le monde entier ; mais l’extraction a bien diminué depuis que d’autres agens chimiques, notamment les sulfates de zinc et d’alumine, sont venus remplacer en partie l’alun comme mordant pour fixer les couleurs.

C’est à la princesse Elisa Bacciochi, un moment grande-duchesse de Toscane, et à un Français, M. Porte, qui l’avait accompagnée dans sa principauté de Piombino, qu’est due la reprise active des travaux de Montioni. Depuis cette époque, ils n’ont plus été interrompus. Ils sont très curieux à visiter, et le sol, tout autour des exploitations, présente une apparence volcanique due à d’anciennes sources thermales alcalines et sulfureuses qui ont sillonné la surface, et aussi à des émanations gazeuses qui se sont fait jour à travers les fissures des roches environnantes. Il est resté comme témoin de ce phénomène géologique, qui s’est produit à une époque antédiluvienne, une source sulfureuse chaude où l’on a établi des bains pour les habitans de la localité. L’action des eaux et des gaz dont j’ai parlé a été de modifier profondément la nature des terrains qu’ils ont traversés, et de transformer en alunites ou pierre d’alun les schistes alumineux de Montioni. Aussi le relief du sol aux points où la roche est à nu se présente-t-il à l’œil du géologue dans un état de métamorphisme prononcé. On dirait un terrain volcanique et non plus un terrain de sédiment. Les lignes mêmes qui délimitent les assises des roches neptuniennes ne sont plus apparentes, et l’exploitation des carrières se fait sans aucune méthode. On frappe au hasard,