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après eux les Romains (pour ne parler que de l’Italie), ont transmises, comme une sorte de défi, à nos ouvriers modernes. De ces ateliers sortaient les lampes à trois becs montées sur un pied commun, et encore conservées en Toscane, où le peuple de la Maremme en fait un si grand emploi. Les casques, les piques, les cuirasses, les sabres, les vases et les statues de tout genre étaient également façonnés dans ces ateliers de l’Étrurie. Ainsi nous lisons dans Tite-Live qu’Arezzo fournit la plus grande partie de l’équipement des soldats de Rome en casques et lances pour la seconde guerre punique. Arezzo, l’une des lucumonies étrusques, possédait des mines de cuivre dans ses environs et une manufacture centrale d’objets en bronze. Le travail de cette ville industrielle se continua sous les Romains, qui s’y approvisionnèrent pour leurs armées et le service de leurs maisons. Plus tard, après la conquête de la Grèce, l’airain de Corinthe et de Chypre dut remplacer celui de l’Étrurie.

Ayant eu souvent occasion d’analyser les scories étrusques provenant du traitement des minerais de cuivre et de plomb argentifère du Campigliais, je n’ai trouvé, dans les unes comme dans les autres, que peu de traces des métaux utiles au milieu desquels elles ont été fondues. Cette pauvreté des scories en cuivre, plomb et argent indique le soin avec lequel était conduite la fusion. La perte si minime qui se produisait dans le traitement montre le peu d’avantage qu’il y aurait aujourd’hui à reprendre ces scories pour en retirer la faible quantité de métaux qu’elles renferment encore. Elles ne peuvent que servir de fondans dans certaines opérations métallurgiques, et les habitais de Campiglia les emploient à remblayer leurs routes.

À une époque très reculée, les Étrusques étaient donc aussi habiles dans le travail de la métallurgie qu’on l’est de nos jours. Cette connaissance profonde qu’avaient les anciens de la fusion des métaux a du reste été partout constatée. En Espagne, les Phéniciens et après eux les Carthaginois, qui ont exploité des mines de cuivre et d’argent, ont laissé des résidus presque purs de tout métal. Dans l’île de Chypre, le pays d’où le cuivre a pris son nom, les scories cuivreuses ont également été reconnues très pauvres. Les moines eux-mêmes du moyen âge, qui dans certaines forêts de la France ont fondu les minerais de notre sol, se sont si bien acquittés de ce travail, qu’ils n’ont laissé aux métallurgistes de nos jours rien à faire après eux. Il est donc vrai de dire avec le proverbe qu’expérience passe science. Les Étrusques, qui ne pouvaient avoir aucune teinte de la chimie, science toute moderne, ont justifié le vieil adage mieux peut-être qu’aucun autre peuple. Ajoutons que, s’ils n’avaient pas directement importé en Italie, dans leur grande migration