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ses pairs et d’échapper ainsi à toutes les commissions ou tribunaux d’exception, tels que la chambre étoilée ou le tribunal révolutionnaire. Quant aux magistrats, bien qu’ils soient nommés par le roi, les plus minutieuses précautions sont prises pour qu’ils restent indépendans. les juges sont à tout jamais inamovibles, si ce n’est devant une double adresse des deux chambres appuyée de l’adhésion du roi, ce qui donne à la révocation le caractère d’une loi, puisque le concours des trois pouvoirs suprêmes de l’état est exigé pour la rendre valable. Le juge est néanmoins toujours sous le coup de la poursuite judiciaire de toute personne injustement arrêtée ; quand même il n’aurait suspendu, ne fût-ce que pendant une heure, le droit protecteur de l’habeas corpus, cette grande garantie de la sûreté personnelle, il serait menacé pour ce fait de la pénalité la plus sévère.

Une autre branche de la justice en Angleterre est représentée par les juges, de paix, qui sont presque tous de grands propriétaires dans les provinces, et ne reçoivent aucun salaire » C’est une grande économie pour l’état, et « en outre, dit lord Brougham, c’est un grand avantage pour les masses que de voir les pouvoirs de la magistrature confiés aux mains des plus considérables habitans du pays ; la nation elle-même fait ainsi partie du système judiciaire, et les hautes classes répandent dans le peuple un respect habituel pour la loi. »

L’institution de la pairie héréditaire, qui siège à la chambre des lords, est le point fixe qui aurait assuré jusqu’ici la durée et la puissance de la constitution anglaise. La pairie tire son origine des antiques réunions des grands barons et des évêques, qui formèrent peu à peu le parlement, d’abord à eux seuls, ensuite avec le concours des simples chevaliers, puis des représentans des villes et de la bourgeoisie, et furent enfin séparés en deux chambres à une époque non exactement déterminée. Les lords, qui forment aujourd’hui la partie supérieure et inamovible de la législature, se représentent non-seulement eux-mêmes, mais représentent encore leurs puissantes familles et leur clientèle, ainsi que la grande propriété territoriale du pays. Les intérêts, les préjugés mêmes de cette assemblée tendent à en faire un corps de conservateurs toujours prêt à peser de tout son poids dans la balance en faveur de la constitution existante, et à empêcher les conflits de devenir extrêmes entre le peuple et la couronne. Son veto, applicable à chaque mesure qu’adoptent les communes, la considération que lui apportent ses fonctions judiciaires, sa supériorité habituelle sous le rapport de l’intelligence et de l’instruction qui lui permettent d’exceller dans la discussion, son calme dans les délibérations, son dédain des clameurs populaires,