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sance, les chemins vicinaux d’intérêt commun, les travaux de dessèchement et d’irrigation, la police rurale, l’instruction publique, la statistique. Le membre du conseil-général serait président de ce conseil, où siégeraient aussi de plein droit le juge de paix et le curé de canton. Les autres membres seraient ou les maires de toutes les communes du canton, ou des délégués spéciaux de tous les conseils municipaux.

L’objection la plus apparente contre ce projet vient du souvenir qu’a laissé la constitution de l’an III, qui avait absorbé la commune dans le canton. Il serait facile d’échapper à ce danger en déterminant avec soin les attributions de part et d’autre. La commune avant tout, c’est la base de la société française; le canton ne doit commencer que là, où finit la commune. Une difficulté plus redoutable me paraît tenir à l’existence actuelle de l’arrondissement. Il y a incompatibilité évidente entre le canton et l’arrondissement; il faut que l’un cède à l’autre. Or comment supposer que trois cents villes de France renonceront sans combat à leur titre de chef-lieu? Elles feront valoir pour le garder toute sorte de raisons. Elles diront que les conseils cantonaux, devant se composer en tout de quarante mille membres, n’offriraient pas assez de garanties d’indépendance et de lumières, que les frais de trois mille administrations cantonales excéderaient beaucoup la mesure de leur véritable utilité, que les conseils d’arrondissement, pourvus d’attributions plus étendues, rempliraient très suffisamment l’office des conseils cantonaux, etc. Malgré ces argumens, dont je ne me dissimule pas la valeur, je partage l’avis de M. Chevillard. A mesure que l’activité se multiplie, il me paraît utile d’en multiplier les foyers. L’objection tirée du grand nombre des conseillers cantonaux me paraît un argument en sens contraire. Que quarante mille citoyens soient appelés à étudier et à servir de près, dans un cadre moins resserré que la commune, ces grands intérêts matériels et moraux qui se présentent partout à la fois, comme l’assistance publique, l’instruction populaire, les travaux publics utiles, je ne puis y voir que des avantages.

L’auteur des Études d’administration termine par des considérations générales sur la centralisation. Il se déclare partisan du principe de la centralisation et ne veut en combattre que l’excès. Telle est en effet la seule tendance raisonnable et possible. Personne ne peut songer sérieusement à attaquer la centralisation en elle-même. Toute l’histoire de France y conduit. Que ce soit un bien ou un mal, c’est une nécessité, ou, si l’on veut, une fatalité nationale. Ceux qui parlent de décentraliser ne peuvent donc prétendre qu’à ralentir un peu l’irrésistible tourbillon. La grande centralisation, qui est avant tout politique et militaire, ne peut que gagner à se débarrasser de quelques-uns des innombrables détails qui l’encombrent. On doit être bien certain que, quoi qu’on fasse, la centralisation sera la plus forte, surtout avec des instrumens comme les chemins de fer et le télégraphe électrique. Rien n’empêche donc de chercher à en atténuer quelques-uns des abus les plus crians et les plus incontestables. Un décret impérial du 25 mars 1852 a déjà tenté d’apporter quelque soulagement à l’immense amas d’écritures qui s’accumulait dans les bureaux des ministères et menaçait de tout submerger. En donnant aux préfets la décision sur un assez grand