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mune a toujours survécu. La constitution de l’an III divisait la France en grandes communes de 5,000 âmes et au-dessus, qui devaient seules jouir d’une administration municipale; quant aux communes ayant moins de 5,000 âmes, qui constituent, à quelques centaines près, la totalité de la France, elle ne leur accordait qu’un agent municipal pour remplir les fonctions d’officier de l’état civil. La constitution de l’an VIII alla plus loin encore : elle divisa la France en départemens et arrondissemens. Dans la pensée du législateur, la commune disparaissait. Heureusement la loi de pluviôse an viii, qui survint peu après, admit l’existence des municipalités de villes, bourgs et autres lieux; la commune rurale, l’antique paroisse, rentra ainsi dans la loi, et parmi les restaurations du consulat ce ne fut pas la moins chère au peuple des campagnes. Sous l’empire, la commune vécut dans une obscurité profonde, le silence qui y régnait n’était troublé que par la conscription, et le 20 mars 1813, sous le coup de nécessités fatales, survint un décret de spoliation dont l’article 1er était ainsi conçu: «Les biens ruraux, maisons et usines, possédés par les communes, sont cédés à la caisse d’amortissement, qui en percevra les revenus à partir du 1er janvier 1814. »

L’auteur des Études d’administration, disons-le tout d’abord, est un zélé partisan de la restauration. Je suis loin de lui en faire un reproche. La restauration n’a pas bien fini, mais elle avait bien commencé, à part les violences de la première année. M. Chevillard fait donc ressortir fort justement ce que la restauration a fait pour la commune. D’abord elle a révoqué, par la loi du 26 avril 1816, l’inique décret de 1813, et restitué aux communes la partie de leur patrimoine qui se trouvait encore en la possession de l’état. Ensuite elle a fait reposer sur des bases solides, par l’ordonnance du 23 avril 1823, l’administration de la fortune communale. Le gouvernement a présenté, une première fois en 1821 et une seconde fois en 1829, tout un projet d’organisation municipale et départementale, et ce n’est pas précisément sa faute si ces deux projets ont échoué. Après avoir ainsi rendu justice à la restauration, il doit être permis de dire ce que M. Chevillard passe sous silence, je ne sais pourquoi : c’est que l’honneur d’avoir définitivement constitué la commune appartient au gouvernement de juillet, d’abord par la loi de 1831 sur l’organisation municipale, et ensuite par la loi de 1833 sur l’instruction primaire, la loi de 1836 sur les chemins vicinaux et la loi de 1837 sur l’administration municipale.

Les intérêts communaux sont par excellence les intérêts du peuple. On parle beaucoup du peuple aujourd’hui, on fait sonner très haut les grands mots de démocratie et de suffrage universel; mais depuis bientôt quinze ans que le suffrage universel gouverne la France, a-t-il rien fait de comparable dans l’intérêt populaire à ces lois d’un autre régime? Dans une des pièces justificatives de son livre, l’auteur cite un rapport qu’il fit en 1860, comme préfet de l’Indre, au conseil-général de ce département, sur l’état de l’instruction primaire. J’y trouve les chiffres suivans qui ont une grande éloquence : « La restauration avait reçu de l’empire 16 communes pourvues d’écoles fréquentées par 400 élèves; elle en a légué au gouvernement de juillet 62 fréquentées par 3,210 enfans; celui-ci à son tour en a laissé 161