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puis activement, et dans ce dernier cas, chacune mettrait sur pied une force de cent cinquante mille hommes, dont trente mille de cavalerie, l’Angleterre se réservant de fournir son contingent en troupes étrangères à sa solde. En cas de guerre, on se concerterait sur la nature des opérations, sur le choix du général en chef, et, s’il le fallait, on prendrait de nouveaux arrangemens pour augmenter les contingens. La paix ne pourrait être faite que d’un commun accord; les hautes puissances promettaient de regarder le traité de Paris comme ayant force pour régler l’étendue de leurs possessions respectives; elles pourraient inviter d’autres états à s’unir à elles; elles repousseraient toute agression dirigée contre le territoire des Pays-Bas et du Hanovre. Enfin deux articles séparés portaient, l’un que la Bavière, le Hanovre et les Pays-Bas seraient invités à accéder au traité, l’autre qu’il ne devrait être communiqué par aucun des signataires sans le consentement de tous les autres. »


Les clauses de la convention du 3 janvier 1815 ne devaient pas, dans la pensée des signataires et surtout dans celle de M. de Talleyrand, rester une lettre morte. Tout en pensant (avec grande raison, comme l’événement l’a prouvé) que la Russie et la Prusse finiraient par céder et rendraient ainsi les préparatifs militaires inutiles, l’ambassadeur de France, afin d’être prêt à tout événement, demanda qu’on mît à sa disposition sous un prétexte quelconque le général Ricard, officier distingué qui avait déjà fait la guerre en Pologne. Pour plus de précautions, il fit également décider qu’on inviterait la Porte à faire, le cas échéant, une diversion contre la Russie. Louis XVIII adopta avec empressement toutes les idées de M. de Talleyrand. Sans que rien y parut, parce que l’on craignait d’effrayer les esprits, le gouvernement français se prépara, le cas échéant, à soutenir par la guerre la politique que son représentant venait de faire prévaloir à Vienne.

Le traité du 3 janvier 1815, resté secret, devenu inutile par suite des concessions de la Russie et de la Prusse, a passé presque inaperçu. Le souvenir s’en est comme perdu dans l’ensemble de ces transactions de Vienne dont le nom même nous importune, et qui sont restées si justement impopulaires. Pour n’avoir pas été suffisamment connu, ce fait singulier d’une coalition — où la France jouait le premier rôle — substituée au bout de quelques mois à cette autre coalition vieille de vingt années, et dont elle avait fini par être la victime, mérite à coup sûr de fixer l’attention des esprits réfléchis. Peut-être n’y avait-il pas une parfaite mesure dans les paroles de M. de Talleyrand annonçant à Louis XVIII « qu’il venait de donner à la France un système fédératif tel que cinquante années de négociations auraient à peine semblé pouvoir le lui procurer. » La satisfaction d’avoir mené à bien une œuvre si difficile le poussait à s’en exagérer la portée et les avantages. Comme le remarque très bien M. de Viel--