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théâtre ; je dis au printemps, parce que le jeu de cricket réclame un terrain sec, et se trouve par conséquent interrompu durant tout l’hiver. La saison s’étend depuis l’apparition de la mouche de mai jusqu’à la chasse du faisan. Les profesional players ne sont pas seulement bien rétribués, leurs exploits se trouvent enregistrés dans les colonnes du Times et de tous les journaux britanniques. Les divers comtés de l’Angleterre se disputent l’honneur de leur avoir donné naissance. Ce sont des héros, des artistes, des célébrités. On leur donne les surnoms de terrifique, de lion du Kent, d’invincible. L’enthousiasme des Anglais pour les gloires du cricket s’explique, selon eux, par la nature du jeu, qui réclame, en même temps que l’adresse et la vigueur des membres, toutes les forces de l’intelligence. À les entendre, on lance la balle plus encore avec la tête qu’avec la main, et un excellent bowler doit avoir de l’esprit jusqu’au bout des doigts. Un des players les plus renommés est aujourd’hui George Parr, qui, à la lète des all England, va jouer de comté en comté, et inocule ainsi dans les villes et les campagnes les principes du jeu national. Les clubs de province se montrent si flattés de l’honneur qu’il leur fait en les visitant qu’ils souscrivent en sa faveur une somme de 70 livres sterling, lui abandonnant une partie de l’argent versé par les spectateurs à titre de droit d’entrée, et l’entourent d’une hospitalité royale. Dois-je ajouter qu’il en est souvent de ces capitaines du jeu comme des grands généraux qui, à force de battre les autres, finissent quelquefois par leur apprendre l’art de vaincre.

Le jeu du cricket ne donne pas seulement du travail aux professionnels ; il emploie un assez grand nombre de mains étrangères au champ clos, et fait vivre une classe d’hommes qui ne se retrouve certainement qu’en Angleterre. Je parle des arbitres (umpires), qui ont pour mission d’intervenir dans les affaires du jeu, et de donner leur décision sur les coups contestés. Ces umpires sont de véritables juges constitutionnels, liés par un code de lois écrites et dirigés le plus souvent par la force de l’opinion publique. Leur sentence est toujours acceptée. Un exercice si répandu donne encore lieu à une autre branche d’industrie. Il n’y a guère de ville autour de Londres où ne se rencontrent quelques boutiques entièrement consacrées à l’équipement des joueurs de cricket et à la vente des objets que nécessite ce jeu (cricket outfits). Le costume le plus généralement adopté est une jaquette et un pantalon de flanelle aux couleurs du club, un chapeau de paille ou une légère casquette jaune, bleue ou rouge, et de gros souliers de cuir blanc à la semelle garnie de pointes. Ce costume si simple produit l’été, au milieu de la lumière et du soleil, un effet agréable. Les profes-