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ser qu’il attache un grand prix à reprendre dans les affaires du Nouveau-Monde le rang dont les prétentions exagérées du cabinet de Washington et ses procédés sommaires l’avaient fait descendre.

Si les raisons qu’a la France pour intervenir ne sont pas identiques, elles paraissent être d’un ordre non moins relevé. La France n’est pas indifférente relativement à l’esclavage. Cependant, à tort ou à raison, elle n’apporte pas à l’abolition de cette institution des sociétés primitives la même ardeur, la même passion religieuse que l’Angleterre; mais elle trouve dans sa politique générale et permanente un motif déterminant d’aller au Mexique, motif qui lui est propre et qui n’existe pas pour le cabinet de Londres. Il y a dans la civilisation occidentale ou chrétienne une branche bien distincte qu’on définit par la dénomination de races latines. Elle a son siège en France, en Italie, dans la péninsule hispano-portugaise et dans les contrées que les nations française, italienne, espagnole, portugaise, ont peuplées de leurs rejetons. Elle est caractérisée par la prépondérance numérique ou même par la domination exclusive du culte catholique. Elle n’est pas tout le catholicisme, mais elle en est plus particulièrement la sève et l’éclat. Sans rabaisser personne, on peut dire que la France est depuis longtemps l’âme de ce groupe, non-seulement l’âme, mais le bras. Sans elle, sans son énergie et son initiative, le groupe des nations latines serait réduit dans le monde à ne plus faire qu’une figure subalterne, et il y a longtemps qu’il eût été complètement éclipsé. Elle ne forme pas seulement la sommité du groupe latin, elle en est la protectrice depuis Louis XIV. Lorsqu’on regarde la mappemonde, et qu’on y compare, à deux siècles environ d’intervalle, l’espace occupé par les peuples catholiques à celui sur lequel se sont assises et fortement retranchées, avec tous les attributs de la puissance et de la civilisation, les nations chrétiennes dissidentes, protestans des diverses communions et grecs, on est frappé et consterné de tout ce que les premiers ont perdu, et de ce que les autres ont gagné et gagnent chaque jour. On est confirmé dans ce pénible sentiment lorsqu’on interroge la statistique sur la progression de la population et de la richesse dans les différens états. Les nations catholiques semblent menacées d’être submergées par une mer qui monte toujours.

Parmi les intérêts divers de la politique française, comme aussi parmi ses devoirs, il n’en est aucun qui soit plus direct et plus grand que de maintenir et de développer la puissance de ce groupe latin, boulevard du faisceau des nations catholiques. Il est indispensable à la France de soutenir autant que possible l’existence des diverses unités qui le composent, tout comme les nations dont le