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rope qui montrait le plus de répulsion pour la propagation de l’esclavage. La fière Angleterre, qu’on avait déjà obligée de reculer dans l’affaire des frontières de l’état du Maine, s’était vue forcée d’accepter des arrangemens pénibles au sujet de la délimitation, sur terre et sur mer, de sa colonie de Balise, dans l’Amérique centrale. L’Europe avait pu tolérer un moment ces écarts de la démocratie des États-Unis, inspirés et excités par les esclavagistes du sud ; mais il devait lui tarder de raffermir sa position ébranlée et de rentrer dans l’exercice des facultés qu’elle est fondée à revendiquer dans l’intérêt de la civilisation générale. L’affaire du Mexique lui fournit une occasion favorable ; en la saisissant, elle se conduit conformément à ce que conseille une sage politique.

Ce n’est point parce que, divisés en deux camps profondément ennemis l’un de l’autre, les États-Unis sont moins redoutables, et qu’on risquerait moins en passant outre à leur réclamation s’ils en articulaient quelqu’une: c’est parce que le nord a ici le même intérêt que l’Europe. L’objet du nord, qui réprouve l’esclavage et veut l’empêcher de s’étendre, sera atteint, si, sous le patronage temporaire des puissances alliées, le Mexique se constitue d’une manière stable, car les aventuriers du sud, sachant quel accueil serait fait désormais à leurs agressions, renonceraient à leur projet de le démembrer pour faire de ses lambeaux de nouveaux états à esclaves incorporés à leur groupe. Qu’importe au nord de reculer les limites de la république ? Le territoire qu’elle possède est tellement vaste, que, quelque ambitieux qu’on soit, on se contenterait à moins. Ce qui lui importe, c’est qu’une limite soit prescrite à l’esclavage et qu’on intime à l’institution particulière cette sentence : « Tu n’iras pas plus loin. » L’expédition du Mexique ne saurait donc contrarier le nord ; elle répond à ses idées, elle rentre dans sa politique. La seule condition dont le nord peut et doit demander l’observation rigoureuse, c’est que l’indépendance du Mexique soit pleinement respectée, qu’il ne soit pas question d’en refaire directement ou indirectement une colonie au profit réel ou supposé d’une puissance européenne quelconque. C’est la doctrine Monroë, telle que l’entendait son auteur. Sur ce terrain, la France et l’Angleterre seraient donc en parlait accord avec le gouvernement de Washington. Même après la restauration de l’Espagne à Saint-Domingue, on n’est pas autorisé à dire que le cabinet de Madrid serait en dehors du concert.

C’est une règle fondamentale aujourd’hui de la politique anglaise de s’opposer à l’agrandissement du domaine de l’esclavage. L’opinion anglaise est très ferme sur ce point. En suivant l’opinion, qu’est-ce que le cabinet anglais pourrait craindre ? Mais surtout on peut pen-