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VI. — DES MOTIFS POLITIQUES QUI PEUVENT JUSTIFIER L’EXPÉDITION.

Puisque la question de la dépense se présente ici, il faut l’examiner non pas seulement par rapport à l’entretien d’un corps destiné à garantir d’accident les premiers pas du nouvel établissement monarchique, mais aussi relativement au fond même de l’entreprise. Le contribuable français, tout comme celui de l’Angleterre ou de l’Espagne, est fondé à adresser à son gouvernement cette question : Pourquoi cette expédition? quel intérêt national y avons-nous? La somme qu’elle doit coûter est sans proportion avec toutes les indemnités qu’on pourra retirer du Mexique. Les insultes que se sont permises les autorités mexicaines n’atteignent pas l’honneur de la France, qui est au-dessus de la portée d’un gouvernement aux abois. Si l’on voulait obliger le Mexique à payer les dommages qu’ont éprouvés nos nationaux, il n’y avait qu’à s’emparer des principaux bureaux de douane, afin d’y percevoir les droits pour le compte de nos compatriotes lésés. Pour qu’on ait adopté un plan différent, il faut qu’on ait eu de graves motifs politiques, et quels peuvent-ils être?

Un motif qui est commun aux trois puissances, quoiqu’elles puissent l’apprécier à des degrés divers, est la nécessité d’opposer enfin, dans l’intérêt de la balance politique du monde, une barrière à l’esprit d’envahissement dont étaient possédés les états du midi ou états à esclaves de l’Union américaine, et qu’ils soufflaient à toute leur nation. C’était un plan arrêté, parmi les meneurs du sud, de reculer indéfiniment les limites de l’Union aux dépens du Mexique, de l’Espagne, propriétaire de Cuba, et des républiques de l’Amérique centrale. Ces projets d’agrandissement manquaient de toute justification tirée de l’utilité nationale, car à quoi bon de nouveaux espaces pour l’Union, qui déjà possédait une immense superficie où la population pouvait croître et se multiplier pendant des siècles encore sans craindre d’être foulée? La superficie de l’Union américaine est d’environ seize fois celle de la France. Et puis comment qualifier ce programme de spoliation au point de vue de la justice? Comment concilier cet insatiable appétit de territoire avec le respect que se doivent les uns aux autres les états civilisés, surtout lorsqu’ils sont si bien délimités par la différence des origines et par la configuration du sol? Mais le sud voulait étendre l’esclavage. introduire dans la fédération de nouveaux états qui fussent caractérisés par cette institution particulière, afin de faire contre-poids aux progrès plus rapides en population et en richesse par lesquels se distinguait le nord, on le travail est libre, et qui donnaient au nord la majorité et l’ascendant au sein des deux chambres du congrès. Ainsi l’île de Cuba, une fois conquise ou annexée, aurait pu