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ouvertes, poussés qu’ils sont par le désir d’échapper au régime arbitraire et tyrannique sous lequel ils gémissent dans leur patrie, et attirés dans les contrées où domine la civilisation occidentale ou chrétienne par la douceur relative des lois et par la protection dont y jouissent à peu près partout la personne et la propriété de l’homme industrieux.

Quant à la population que le pays pourrait porter, elle serait extrêmement considérable, puisque la superficie du Mexique, après tout ce qu’en ont ravi les Américains du Nord, reste encore plus que triple de celle de la France, et, à superficie égale, c’est un pays qui nourrirait plus d’habitans que nos contrées. Dans la Terre-Chaude et une bonne partie de la Terre-Tempérée, le bananier prospère, sans qu’on ait, comme dans les Antilles, la crainte de le voir arraché par les ouragans. C’est pour l’alimentation publique un bienfait sans égal, car aucune plante ne rend avec aussi peu de travail une aussi grande quantité de subsistance. Un hectare planté en bananes suffit à nourrir cent personnes, tandis qu’avec le blé c’est seulement cinq ou six en Europe. Avec un bon système de communications, la banane cultivée sur les deux plans inclinés qui relient le plateau à la mer viendrait s’offrir aux habitans du plateau lui-même. À côté de la banane, le Mexique a le manioc ; il peut y joindre tout ce qui vient aux Antilles ou dans les régions ardentes de l’Asie. À ces ressources s’ajoute le maïs, qui était déjà consommé en grande quantité du temps de Montézuma, et qui entre dans le régime alimentaire de toutes les parties du pays à peu près sous la même forme et avec les mêmes apprêts qu’alors. Il sert de base à la nourriture des classes pauvres ou peu aisées. C’est une culture qui réussit au Mexique d’une façon dont on se ferait difficilement une idée dans nos campagnes. Les bonnes terres, là où la température est assez élevée, rendent dans les années propices jusqu’à huit cents grains pour un, et dans les mauvaises environ cent cinquante. L’espace qu’une famille a besoin de mettre en culture pour subsister est donc infiniment exigu dans la région chaude et peu étendu dans la région froide, telle qu’elle se présente communément. Le blé même réussit admirablement dans les plaines où l’homme pratique avec quelque soin cette culture, comme dans celles de Toluca et plus encore dans celles qu’on rencontre aux environs de la Puebla, surtout entre cette ville et le village de Saint-Martin.

À la fin du siècle dernier et tout au commencement de celui-ci, lorsque la crise de l’indépendance ne s’était pas déclarée encore, la population mexicaine suivait une progression au moins égale à celle par laquelle se signalaient les États-Unis eux-mêmes. En procédant d’après les relevés des naissances et des décès dressés par les curés, on a constaté que la moyenne était de 170 naissances pour 100 dé-