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sent autant de bassins desséchés d’anciens lacs, se suivent les unes les autres; elles ne sont séparées que par des collines qui ont à peine 200 ou 250 mètres au-dessus de la surface aplanie du fond. On chemine ainsi indéfiniment à la hauteur des passages du Mont-Cenis ou du Saint-Gothard ou du Grand-Saint-Bernard dans les Alpes; mais, transportées près de l’équateur, ces fortes altitudes, au lieu d’être ce qu’elles sont dans les Alpes, âpres et rigoureuses à l’homme, lui deviennent propices au contraire. Le plateau mexicain conserve sa grande élévation dans la direction du nord jusqu’au-delà du cercle du tropique. Il avait commencé par la latitude de 18 degrés; l’extrémité est par celle de 40 degrés : total de son développement, 22 degrés, qui, à raison de 111 kilomètres l’un, font 2,440 kilomètres. C’est une distance égale à celle qu’il faudrait parcourir pour aller de Lyon au cercle du même tropique, en traversant toute la Méditerranée et le grand désert africain. On voit que c’est une constitution géographique établie sur les plus vastes proportions.

Sur les deux flancs de ce long plateau, le plan incliné qui descend jusqu’au rivage de l’un ou de l’autre Océan offre, à mesure que l’on se rapproche du niveau de la mer, des températures de plus en plus élevées. La pente, étant rapide, détermine par cela même une variation très accélérée dans le climat et dans tous les phénomènes qui dépendent de la chaleur, particulièrement dans la végétation. Le voyageur qui descend le plan incliné ou qui le gravit assiste à des contrastes pittoresques et même merveilleux ; il passe en revue presque toutes les cultures, et contemple, presque l’une à côté de l’autre, les productions qui ailleurs se répartissent sur des distances sans fin. S’il part du plateau par exemple, il commence par traverser soit des forêts de plus qui lui rappellent celles de l’Europe, soit des champs d’oliviers, de vigne, de blé ou de maïs encore plus semblables aux nôtres, entrecoupés cependant d’espaces couverts de grands cactus, végétation d’aspect mélancolique que le territoire le plus aride ne rebute pas, et de beaux aloès tantôt sauvages et tantôt cultivés. En continuant sa marche, il arrive successivement à l’oranger, que les Espagnols ont multiplié prodigieusement, et dont on trouve, même à Mexico, le fruit exposé en véritables montagnes sur le marché ; au coton, qui y est indigène, et dont, avant les Espagnols, les Indiens tissaient leurs vêtemens et faisaient même des cuirasses résistant à la flèche ; au nopal ou cactus, sur lequel s’élève l’insecte de la cochenille, production qui date aussi des Aztèques; à la soie, dont il y a des qualités particulières au pays, produites par un insecte différent de notre ver à soie; à la banane, au café, à la canne à sucre, à l’indigo, qui sont des cultures importées, mais toutes réussissant admirablement; à la liane