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afin de mettre votre revenu au niveau de ce que vous voulez dépenser. Ce premier examen de conscience a été fait par le gouvernement dans les projets de budget ordinaire et extraordinaire qui ont été présentés au corps législatif. Tout bien considéré, le gouvernement, muni de l’absolution de son indulgent confesseur, le conseil d’état, trouve que, la dépense ayant été fixée au plus bas, il convient de demander à des surtaxes ou à de nouveaux impôts une centaine de millions. L’affaire va maintenant se présenter au corps législatif. C’est à la chambre des députés, organe des intérêts et des droits des contribuables, de décider si la dépense a été en effet ramenée aux limites les plus strictes, et s’il convient que le sel et le sucre, pour ne parler que des impôts qui affectent les masses, soient surtaxés. Nous espérons que la chambre des députés accomplira cet examen avec la sévérité scrupuleuse que la situation des contribuables lui commande. C’est sur le budget des dépenses que devront porter ses investigations les plus rigoureuses. Ici la chambre se trouvera en présence de la politique générale. Elle aura à rechercher si l’on ne pourrait obtenir des économies sur les traitemens qui atteignent par le cumul des proportions énormes. Elle devra surtout être édifiée minutieusement sur la nature et la nécessité des dépenses de l’armée et de la marine. Des sénateurs, des députés ont déjà émis l’opinion qu’un effectif de 400,000 hommes n’est point nécessaire à la sécurité de la France. L’obstacle à la réduction de l’armée est la conservation des cadres. Si la question des cadres était étudiée de près, nous ne mettons point en doute, pour notre part, que par un roulement de semestres que M. de Beaumont a indiqué au sénat et par une nouvelle combinaison des compagnies au sein du bataillon, il ne fût facile de réduire l’armée à 350,000 hommes, et cela sans désorganiser les cadres et dans des conditions plus favorables que l’état actuel des choses à l’instruction efficace des troupes. Il est à souhaiter que la chambre des députés porte vigoureusement et profondément son attention sur ce point. Il y aura lieu aussi de rechercher si tous les articles portés au budget ordinaire méritent d’y figurer en permanence, et si quelques-uns ne peuvent pas, au moins pour une partie des allocations, être transférés au budget extraordinaire. Ce n’est que dans le cas où par cette minutieuse enquête elle obtiendra de considérables réductions de dépenses que la chambre affranchira, au moins partiellement, le pays des nouveaux impôts dont il est menacé. C’est uniquement dans ce victorieux contrôle que les députés peuvent puiser les élémens d’une popularité légitime auprès des esprits sérieux et au sein du pays. Quant à ceux qui, après avoir complaisamment voté les dépenses, croiraient pouvoir gagner la faveur des contribuables par de vaines déclamations contre la taxe du sel et contre la taxe du sucre, ils feront bien de renoncer d’avance à cette illusion. Aux yeux du pays, celui qui aura voté la dépense sera bien, en dépit des paroles, celui qui aura voté l’impôt. A nos yeux, cette perspective des impôts nouveaux est le gage de l’attention avec laquelle les dépenses devront être scrutées. Ce système