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toutes les merveilles des royaumes de ses sœurs la vie des cours et les mille détails amusans qu’elle lui présente. Pour elle, les vraies féeries, ce sont les espiègleries équivoques du chevalier de Grammont, les bons mots de Matta, les sourires de miss Jennings, voire les fameux rubans jaunes que portait Mlle Blague dans cette soirée mémorable où elle parut à la cour de Charles II déguisée en Babylonienne.

Il n’y’a pas que les fées de raillées dans les contes d’Hamilton; toute la poésie des siècles naïfs de la moderne Europe, toute cette genèse confuse et puissante de l’histoire des peuples nouveaux, y sont tournées sans façon en ridicule par ce bel esprit, qu’on ne peut s’empêcher de trouver parfois fat, superficiel et impertinent. Hamilton n’a absolument aucune intelligence du monde légendaire, de la grandeur féodale, aucune intelligence des origines historiques de ces monarchies dont il se faisait gloire d’être un des plus parfaits courtisans et de ces castes aristocratiques auxquelles il appartenait lui-même. Il faut voir ce qu’est devenue, dans le conte de Zeneyde, la poésie de cette étrange époque où, le crépuscule croissant de l’empire romain luttant avec l’aurore de la monarchie franque, les légendes prennent un air d’histoire, et l’histoire un air de légende. Il faut voir aussi dans l’Enchanteur Faustus comment est traitée la jolie légende romantique de la belle Rosemonde, et ce que devient cette évocation de la belle Hélène qui est restée à jamais célèbre dans les fastes de la magie et de la poésie. En lisant ces contes, écrits pour la société polie du règne de Louis XIV, on se demande involontairement de quel air ces beaux seigneurs et ces belles dames auraient reçu leurs ancêtres, si, par un miracle d’évocation pareil à celui que Faust accomplit pour Hélène, ils étaient venus se présenter devant eux, durs féodaux aux mâles visages et à l’accent barbare, pieux chevaliers souillés de la poussière de terre sainte, vieux routiers aux mains rendues calleuses par un long travail de l’épée. Quelles grimaces étonnées, quels sourires, quelle contenance embarrassée! Plus d’un sans doute eût été tenté de renier ces nobles aïeux, comme trop gauches et trop rustres, ou comme sentant trop l’humus populaire d’où ils étaient sortis.

Avec le XVIIe siècle expire définitivement le règne des vraies fées françaises. Effarouchées au XVIIIe siècle par le règne de la révolution philosophique, elles disparaissent, et redeviennent mystérieuses et clandestines. C’est à peine si on peut suivre leurs traces. On les voit par exemple, visiteuses passagères, s’arrêter l’espace de quelques journées à la petite cour de Nancy, où elles inspirent le goût de leur histoire passée au comte de Tressan et aux aimables érudits