Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 38.djvu/600

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ne peut ni se réaliser aussi fréquemment ni fournir à l’éleveur d’aussi bons animaux.

Comme le muleton croît vite, s’élève facilement et travaille jeune, dès l’âge de dix-huit mois, il est naturel que son producteur le garde plus longtemps que les producteurs de chevaux ne gardent leurs poulains. Le Poitou ne vend donc guère ses muletons avant un an au plus tôt, et encore en conserve-t-il un tiers jusqu’à un âge plus avancé, de deux à cinq ans. Cependant l’élevage des jeunes mulets commence à se répandre dans certaines parties de la Guienne, du Languedoc et du Dauphiné, et cette heureuse combinaison profite également aux pays producteurs, qui peuvent ainsi faire naître davantage, et aux pays éleveurs, qui retirent de leurs soins un important bénéfice. De 1827 à 1856, nous n’avons importé en France que 20,450 mulets, venus pour la plupart des états sardes, et nous en avons exporté 476,230, qui nous ont été achetés principalement par l’Espagne, et en moindre nombre par nos propres colonies. Outre les acheteurs étrangers, l’administration de la guerre pour son train d’artillerie et le service de l’Algérie, la France elle-même pour les besoins de son roulage et de son agriculture dans plusieurs provinces, semblent assurer à nos mules un débouché de plus en plus avantageux.

Quand on intervertit les rôles et que l’on marie une ânesse à un cheval, l’hybride obtenu se nomme bardot. Ce nouvel animal est ordinairement plus robuste que le mulet, mais sa conformation est moins régulière. Le bardot est assez souvent une bête mal faite et décousue. On le demande peu; aussi le fait-on naître rarement. Les cultivateurs n’ont guère à s’en préoccuper, et nous ne leur conseillerions pas de se livrer à des tentatives ou à des expériences qui pourraient leur devenir fort inutilement onéreuses.

Tels sont les animaux que l’agriculture destine surtout à l’accomplissement de ses rudes travaux. Néanmoins il est encore un herbivore, le bœuf, que l’homme utilise alternativement et comme bête de travail et comme bête de rente. Nous sommes loin d’oublier, après l’avoir déjà signalée, la part considérable que le bœuf prend au labour de nos champs ; mais comme ce dernier auxiliaire Unit toujours par se transformer en bête de boucherie, il ne peut guère être séparé du bétail de rente, et il a sa place marquée à la tête d’un groupe d’animaux domestiques bien digne d’être étudié à part.


L. VILLERMÉ.