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vement les erremens que suivent depuis trop longtemps à ce sujet beaucoup d’hommes de cheval[1].

On peut faire saillir la jument à trois ans; cependant, pour la moins fatiguer, il vaut mieux attendre l’âge de quatre ans. Onze mois après, elle donne son poulain. Pour produire des poulains avec avantage, il faut de l’herbe et un peu de liberté. La rosée refait les poulains, dit-on dans plusieurs pays. Ce n’est point la rosée qui leur fait du bien, c’est l’exercice et la nourriture variée qu’ils trouvent à l’herbage. Aussi fait-on naître beaucoup de chevaux dans les contrées où se trouvent des pâturages convenables. De sept à huit mois, le sevrage commence, et il précède ordinairement, quoiqu’il dût la suivre, l’époque de la castration, après laquelle vient une dernière période, celle du travail, qui ne doit plus finir qu’avec l’animal même[2]. Quoi qu’il en soit, entre le sevrage et le travail s’écoulent quelques mois, pendant lesquels l’avenir du jeune animal est pour ainsi dire en question. Les animaux, comme les hommes, empruntent leurs qualités ou leurs défauts à l’éducation reçue autant qu’aux tendances natives. Le jeune animal est-il traité trop brutalement ou avec trop d’indulgence, on n’aura ensuite qu’une bête rétive, capricieuse, mal dressée. Le nourrit-on médiocrement, son développement en souffre. L’attelle-t-on avec des bœufs ou avec des chevaux d’une allure mal assortie à la sienne, on fausse ses articulations, et par conséquent on diminue sa valeur future. Dans les plaines de Caen comme en Beauce, partout enfin où l’élevage est concentré entre les mains d’hommes qui aiment les chevaux et trouvent sur la ferme de quoi subvenir largement à tous les besoins du poulain, celui-ci prend chaque année plus de force et plus de prix. Il y aurait tout un volume, amusant dans les détails, mais fort triste au point de vue moral, à écrire sur les ruses impossibles auxquelles

  1. La Revue a publié, dans son n° du 15 novembre 1861, une excellente étude de M. Alphonse Esquiros sur les Courses de chevaux en Angleterre. Nous en recommandons les détails à l’attention de nos lecteurs, et nous ajouterons, avec le Compte-Rendu de l’administration des haras pour l’année 1861 : « Pendant qu’on proclamait si haut l’importance et l’extension des courses pour les chevaux de race pure comme le critérium des reproducteurs, on déshéritait leurs dérivés, — les étalons et les chevaux de demi-sang, — des courses au trot, des steeple-chases et des épreuves. Aussi, à partir de cette époque, l’amélioration est-elle restée stationnaire. »
  2. C’est avant l’époque du sevrage que la castration devrait toujours avoir lieu; mais on la retarde jusqu’à deux ans quand l’avant-main et l’encolure du jeune mâle n’ont pas assez d’ampleur. Dans les provinces où les jumens poulinières exécutent tous les travaux de la ferme, il arrive souvent qu’on vende les poulains au moment du sevrage, après les avoir mis en bel état avec des farines ou avec du seigle cuit. Un autre spéculateur, qui souvent même habite une autre province, succède alors au premier maître du jeune animal. Ce nouveau-venu, qui est véritablement l’éleveur, garde le poulain pendant quelques mois sans lui imposer aucune contrainte, puis il l’habitue peu à peu à porter des harnais, et chaque jour en exige davantage.