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venir dangereuse. La débilité de certains troupeaux, leur peu de fécondité, leur tendance à plusieurs maladies dont les ancêtres portaient le germe en eux-mêmes, doivent être fréquemment attribués à l’emploi trop prolongé du même sang[1]. Pour combattre ce dernier danger, Jonas Webb, dont le nom rappelle une suite non interrompue de brillans succès, Jonas Webb entretenait à Babraham deux familles distinctes de south-down, qu’il maintenait attentivement séparées, et entre lesquelles il se contentait d’opérer de temps à autre l’échange de quelques mâles. Ainsi doivent procéder entre eux les cultivateurs voisins, quand le troupeau qui existe sur le domaine n’est pas assez considérable pour permettre par lui-même cette utile précaution.

L’opération qui consiste à emprunter à une autre race les mérites que ne possède pas la race dont on s’occupe porte le nom de croisement. Ce procédé présente souvent au fond plus de difficultés qu’on ne le suppose. L’inconnu dans lequel on se place par rapport aux conséquences des alliances essayées, la suite d’observations attentives que nécessite la sage direction de tels efforts, la somme de connaissances, au besoin la persévérance de sacrifices qu’exige la méthode du croisement, ne doivent pas être oubliés. La sélection convient mieux à la plupart des cultivateurs, mais le croisement peut devenir entre des mains habiles un moyen plus puissant. Étudions-en donc les règles principales. Plus les espèces sur lesquelles on opère sont douées d’une grande longévité, plus seront lentes à se bien fixer chez elles les modifications que l’on recherche; en revanche, plus ces modifications persisteront dès qu’on les aura une fois obtenues. On peut néanmoins agir favorablement par ce moyen sur les caractères originels de toutes nos familles d’animaux domestiques. Les moutons de la Beauce sont presque tous des métis de mérinos; il y a eu du sang hollandais introduit autrefois dans les veines de nos vaches normandes; nos chevaux lorrains passent pour descendre de familles orientales, et combien d’autres races nous pourrions citer encore, même parmi celles qui sont aujourd’hui les mieux caractérisées, qui dans le principe ne furent que des métis! Comme les races perfectionnées sont en général plus délicates, plus exigeantes au moins que les races vulgaires, il faut, avant d’introduire chez soi un étalon étranger, commencer toujours par améliorer les conditions hygiéniques de logement et de nourriture que devront trouver à leur naissance les produits qui en sortiront. Il ne faut pas non plus vouloir aller trop vite et rapprocher d’un seul

  1. S’il était permis, en parlant d’animaux domestiques, d’invoquer des exemples pris jusque chez l’homme, nous engagerions nos lecteurs à se rappeler le nombre de familles dans lesquelles ils ont vu des mariages consanguins entraîner après eux d’aussi tristes résultats.