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devenu empereur, de lui faire un lit sur le modèle de celui du grand Napoléon aux Tuileries. L’offre avait été acceptée avec empressement, et le lit payé un prix fabuleux. Puériles parodies! Comme si c’était en lui empruntant son tapissier qu’on s’égale à un grand homme! Quelques mois s’étaient à peine écoulés que le nouveau trône tremblait sur ses fondemens. La plupart des généraux étaient mécontens d’obéir à un chef qui n’avait pas de titres plus brillans que les leurs, et qui les avait combattus, eux soldats de l’indépendance, lui enrôlé parmi les Espagnols, et impitoyable entre tous envers les indépendans vaincus. On avait un autre grief contre le nouvel empereur. Dans cette guerre où les propriétés n’étaient pas plus respectées que les personnes, la spoliation s’était donné carrière, Iturbide, déjà couvert du sang des prisonniers, ses concitoyens, s’était signalé aussi par ses excès dans cet autre genre. La province de Guanaxuato avait été particulièrement le théâtre de ses rapines. Il fut dénoncé au vice-roi par des personnes respectables dans l’espèce de suspension des hostilités qui suivit l’anéantissement de l’armée de Morelos et l’exécution de ce chef, et la clameur publique fut telle que le vice-roi dut ordonner une instruction judiciaire; mais ce vice-roi était Calleja, qui faisait grand cas de la bravoure d’Iturbide et qui considérait comme des péchés véniels toute espèce d’actes sommaires envers les indépendans, pourvu qu’on réprimât l’insurrection. Sous l’inspiration du vice-roi, l’instruction judiciaire, qui d’ailleurs avait été confiée à un ennemi impitoyable des insurgés, le magistrat Bataller, dont il a été parlé plus haut, aboutit à ce que nous appellerions en France un arrêt de non-lieu de la chambre des mises en accusation ; mais la conscience des honnêtes gens n’avait pas ratifié cette indulgence. Ainsi le gouvernement impérial d’Iturbide soulevait des répugnances motivées et des haines violentes, sans parler des jalousies individuelles, qui de toutes les résistances dressées contre lui n’étaient pas les moins dangereuses.

Dès le mois de septembre 1822, l’antagonisme était patent entre Iturbide et le congrès. En novembre, le général Santa-Anna, qui avait été comblé de faveurs inouïes par Iturbide[1], leva à Vera-Cruz l’étendard de la révolte. Guadalupe Victoria s’associa presque aussitôt à ses efforts. Au commencement de janvier, Guerrero et Bravo s’unissaient aux insurgés, et dans les derniers jours de mars 1823 il n’y avait plus d’empire. Au mois de mai, une frégate anglaise emportait vers l’Europe l’empereur déchu avec sa famille. Le congrès, reconnaissant les services qu’il avait rendus à la patrie, lui assignait

  1. En peu de mois, du grade de capitaine il avait été porté à celui de brigadier, c’est-à-dire officier-général.