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tout le pays un excellent effet. Iturbide eut aussitôt l’adhésion de Guerrero, qui, avec une abnégation dont peu de généraux mexicains ont par la suite donné l’exemple, et dont plus tard il eut le malheur de se départir lui-même, vint se placer sous ses ordres avec ses bandes, qui offraient un singulier mélange d’aspect martial avec les marques les plus apparentes des privations et du dénûment[1]. De divers points, des signes d’assentiment répondirent à Iturbide. Les natifs de la Péninsule cependant persistaient dans leur système. Ils ne pouvaient se faire à l’idée de traiter les Mexicains autrement qu’en peuple conquis. Leur force principale était à Mexico, où résidaient, entourées d’une garnison choisie, les principales autorités, et où siégeait la formidable audiencia, qui donnait l’exemple d’un immuable attachement aux anciennes règles de gouvernement. Leur attitude implacable, par l’effroi qu’elle inspirait, contint un moment l’enthousiasme des populations; mais ce fut court. Ils recommencèrent la faute de 1808 : ils déposèrent le vice-roi Apodaca comme ils avaient fait d’Iturrigaray, sans l’incarcérer néanmoins, et ils installèrent à sa place un officier d’artillerie, le général Novella, qui ne sut ou ne put rien combiner de mieux que de s’enfermer dans la capitale avec les troupes espagnoles. Cependant de toutes parts les appuis surgissaient pour Iturbide. Les villes et les provinces se déclaraient pour le plan d’Iguala. Les régimens indigènes se prononçaient. Ce qui restait des soldats de l’indépendance reprenait les armes pour se rallier à l’armée libératrice. Nicolas Bravo reparut ainsi sur la scène. Bientôt ce fut Guadalupe Victoria, que l’on croyait mort, et dont un bulletin officiel, signé du chef de la troupe envoyé à sa recherche, avait annoncé qu’on avait trouvé le cadavre dans le bois où il s’était réfugié plutôt que d’accepter l’amnistie qu’on lui offrait. Sur ces entrefaites arriva à la Vera-Cruz le nouveau vice-roi que le gouvernement constitutionnel de Madrid envoyait en remplacement d’Apodaca : c’était le général O’Donuju, l’un des amis des héros de l’île de Léon, Riego et Quiroga. Il n’amenait pas de troupes, il était seul. Iturbide fit envers lui une démarche hardie et intelligente. Il lui proposa une entrevue qui aurait lieu à Cordova, ville située à peu de distance de la Vera-Cruz, sur la route de Mexico. O’Donuju s’y rendit, et là, le 27 septembre, fut signé par les deux chefs un traité qui reproduisait les termes du plan d’Iguala, sauf quelques modifications accessoires ou qui semblaient telles. C’est ainsi qu’un troisième infant d’Espagne, don Carlos-Luiz, héritier du grand-duché de Lucques, était substitué à l’archiduc Charles d’Autriche, et que la qua-

  1. Une partie de ses hommes avaient contracté des maladies hideuses en bivaquant indéfiniment dans les forêts de la région chaude, qui sont infestées d’insectes dangereux.