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le crédule Apodaca. Une fois à son poste, comptant sur sa popularité parmi les soldats mexicains rangés sous le drapeau de l’Espagne, il ne balança pas à entreprendre une révolution diamétralement opposée à celle que rêvait le vice-roi. La force espagnole au Mexique se composait de onze régimens de soldats de la Péninsule contre vingt-quatre d’indigènes : si, par un programme habilement combiné, il réussissait à mettre ces derniers de son côté, il était le maître de la situation, car une fois qu’il aurait relevé l’étendard mexicain, les soldats de l’indépendance ne viendraient-ils pas grossir les rangs de son armée? L’opinion, qui se taisait par la terreur qu’inspiraient les Espagnols, ne lui fournirait-elle pas alors cet appui moral, qui est l’invincible auxiliaire et l’irrécusable justification de la force matérielle? S’étant transporté dans la ville d’Iguala avec la partie de ses troupes dont il était le plus sûr, il y proclama, le 24 février 1821, l’indépendance du Mexique avec un programme qui est resté célèbre sous le nom de plan d’Iguala. C’est une pièce remarquable par sa modération et par la pensée de conciliation qui l’a dictée. Il y est dit que le Mexique sera un état indépendant, que la forme du gouvernement sera monarchique, sous la dénomination d’empire, que la gloire de Napoléon avait accrédité partout, avec une constitution en rapport avec les mœurs du pays. Le trône du Mexique était offert à Ferdinand VII, ainsi que l’avait déjà voulu la junte de Zitacuaro, des idées de laquelle il semble qu’Iturbide se soit inspiré sur plusieurs points. Sur le refus de Ferdinand VII, la même offre serait adressée aux deux infans d’Espagne, ses frères, don Carlos et don François de Paule, puis à l’archiduc Charles d’Autriche, celui qui avait eu le rare honneur de disputer la victoire, une ou deux fois en sa vie, à l’empereur des Français, A défaut de ces princes, on appellerait un membre de quelqu’une des maisons régnantes de l’Europe. Iturbide avait trop longtemps combattu dans les rangs des Espagnols pour n’être pas enclin à les ménager; c’était d’ailleurs conforme à la pensée de conciliation générale qu’il proclamait sagement. En conséquence, le plan d’Iguala assimilait complètement les natifs d’Espagne aux autres habitans du Mexique; il leur promettait la conservation de leurs emplois, ce qui était beaucoup s’engager, car c’eût été laisser le pays pendant quelque temps entre les mains des Espagnols, à l’exclusion des Mexicains, puisqu’on vertu du système imperturbablement pratiqué jusqu’alors, excepté pendant le court intervalle de la constitution, toutes les places avaient été réservées aux natifs de la Péninsule, et le renouvellement, abandonné aux seules causes naturelles, ne pouvait qu’être fort lent.

La proclamation qui précédait le plan méritait le meilleur accueil par l’excellent esprit dont elle était empreinte, et elle produisit dans