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par application de la règle que tous les biens des Espagnols étaient confisqués. La protection ou l’assistance donnée aux Espagnols par action, par parole ou par écrit était érigée en crime de haute trahison, de même que le refus de contribuer aux frais de la guerre de l’indépendance. À ces dispositions politiques étaient venues se mêler des prescriptions assez difficiles à faire passer dans la pratique, telles que de fuir les vices qui découlent de l’oisiveté, et en conséquence de se livrer au travail, chacun dans sa profession, les femmes se consacrant aux occupations domestiques, les prêtres au salut des âmes, les laboureurs au soin de leurs champs, les ouvriers au maniement de leurs outils. Un des premiers actes du congrès fut de rétablir l’ordre des jésuites, aboli dans les domaines de l’Espagne depuis Charles III. C’était, disait-on, afin de donner à la jeunesse l’instruction chrétienne dont elle manquait, et d’avoir des missionnaires zélés pour la Californie et les provinces frontières du nord.

C’est le 5 novembre 1815, lorsqu’il escortait le congrès traqué par les commandans espagnols, que Morelos fut fait prisonnier à Temescala. Pour mieux protéger cette assemblée, il s’était placé à l’arrière-garde, où il faisait bravement face aux Espagnols, tout près de l’enlever. L’officier espagnol entre les mains duquel il tomba, don Manuel Coucha, lui témoigna de grands égards; quant à lui, il montra une résignation courageuse. «Ma vie n’est rien, dit-il, si le congrès est sauvé. Ma tâche était finie du moment qu’un gouvernement indépendant était établi. » Le congrès en effet fut sauvé par Nicolas Bravo, que Morelos avait chargé de sa sûreté, et il arriva à Tehuacan, où Teran lui fit d’abord bon accueil. Mais au milieu de l’adversité commune l’harmonie ne fut que de courte durée. La discorde se glissa bientôt entre ce chef militaire et ce gouvernement civil qui voulait prendre la direction des affaires, devenues si difficiles. Le 15 décembre, Teran dispersa le congrès par la force. Morelos, au fond de sa prison de Mexico, eut la douleur d’apprendre que cette création, à laquelle il attachait un si grand prix, ne lui survivrait pas. Le congrès n’avait jamais possédé une autorité bien effective. Il n’en était pas moins une utile machine de gouvernement; il formait un point de ralliement, il était l’unité de l’insurrection. Sa destruction fut un malheur et un symptôme aggravant de la mauvaise fortune des indépendans.

C’est un fait digne d’être signalé que le congrès n’avait pas perdu courage dans la mauvaise fortune. Après les malheurs qui accablèrent l’armée principale des insurgés à la fin de 1813 et à l’ouverture de 1814, il fut presque toujours fugitif. Deux corps espagnols, commandés l’un par le brigadier Negreto, l’autre par le capitaine