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qui a été si profitable à la science. De la meilleure foi du monde, M. Lucas Alaman, qui, malgré une instruction exceptionnelle parmi les Mexicains, restait imbu des vieilles maximes de son ancienne mère-patrie, exprime, dans sa vaste publication sur l’indépendance du Mexique[1], le regret que M. de Humboldt ait pu ainsi réunir les matériaux de son Essai politique sur la Nouvelle-Espagne, ouvrage aussi remarquable par la sobriété et la modération des réflexions qui y sont présentées, touchant l’organisation de la société dans l’Amérique espagnole, que par la profusion des renseignemens scientifiques. Suivant lui, ce beau livre contribua à provoquer le mouvement de l’indépendance au Mexique en inspirant aux Mexicains « une idée très exagérée de la richesse de leur pays, » d’où vint, suivant lui, « qu’ils se figurèrent qu’une fois indépendant, le Mexique serait la nation la plus puissante de l’univers. »

Le commerce, même avec la métropole et les possessions espagnoles, n’était permis que par deux ports : celui de la Vera-Cruz pour l’Espagne, celui d’Acapulco pour les Philippines, par où l’on communiquait avec la Chine. De toute l’Espagne, deux villes seulement, Cadix et Séville, pouvaient commercer avec le Mexique. Les négocians de ces deux cités prenaient leurs aises à l’égard de cette grande colonie. Tous les trois ou quatre ans, pas plus souvent, un certain nombre de navires chargés des marchandises destinées au Mexique faisaient voile de conserve, du port de Cadix, sous la dénomination de la flotte. Tout ce qu’ils apportaient était vendu d’avance à huit ou dix maisons de Mexico, qui exerçaient ainsi le monopole. A l’arrivée de la flotte de Cadix, une grande foire se tenait à Xalapa, et l’approvisionnement d’un empire se traitait, dit M. de Humboldt, comme celui d’une place bloquée. La contrebande ne laissait pas que de corriger un peu les effets de ce régime si restrictif, et elle avait été facilitée à diverses époques par le privilège qui avait été accordé à l’Angleterre, sous le nom d’asiento, d’envoyer tous les ans dans l’Amérique espagnole un vaisseau de 500 tonneaux chargé d’esclaves. On avait fraudé sur le nombre des navires, fraudé sur leur chargement. Ce fut seulement en 1778 qu’on renversa ces monopoles entassés l’un sur l’autre par une réforme qui s’étendait à toute l’Amérique espagnole, et dont l’honneur revient au roi Charles III, Cette réforme, qu’on a décorée du nom pompeux de la liberté du commerce, ne consistait cependant qu’à permettre à plusieurs ports d’Espagne, au nombre de quatorze, de trafiquer directement avec les colonies du Nouveau-Monde par certains ports expressément

  1. Cet ouvrage, intitulé Historia de Mejico desde los primeros movimientos que prepararon la independencia en el ano de 1808 hasta la época presente, forme cinq forts volumes in-8o.