Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 38.djvu/520

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
I.

La crise d’où devait sortir l’indépendance commença à la nouvelle du renversement du trône des Bourbons d’Espagne par Napoléon Ier en 1808. Le premier mouvement de toutes les classes qui pouvaient manifester une opinion fut un débordement d’enthousiasme pour Ferdinand VII, qui en était si peu digne, mais que l’adversité, tombant si rudement sur cette tête si jeune, entourait à ce moment d’une séduisante auréole. Tous les ayuntamentos (corps municipaux), se portant fort pour les populations, envoyèrent au vice-roi, qui représentait à Mexico la couronne d’Espagne, des adresses où respirait le plus grand dévouement en faveur du prince que le dominateur de l’Europe tenait captif dans un château du Berri. Le conseil municipal de Mexico se signala par l’ardeur de se démonstrations. À cette explosion de sentimens royalistes se mêlèrent tout naturellement, dès le premier jour, chez les Mexicains, le désir et l’espoir d’être comptés enfin pour quelque chose. Le pouvoir royal, de qui toute autorité émanait directement dans la Nouvelle-Espagne, était subitement anéanti, puisque Ferdinand VII avait abdiqué comme son père, et que, reployé sur lui-même sous les ombrages de Valençay, il ne donnait de là aucun signe de vie à ses partisans. Aucune des juntes qui s’étaient formées dans la Péninsule n’avait un titre, pas même un simple billet du prince détrôné, transmis par la fidèle main de quelque Blondel, dont elle pût s’autoriser pour se dire instituée de lui. Les habitans de la Nouvelle-Espagne reprenaient donc par la force des choses possession d’eux-mêmes et avaient à pourvoir de leurs propres mains à leurs destinées. En cette conjoncture, le mot de souveraineté nationale, qu’on avait lu en cachette dans les livres français échappés aux recherches de l’inquisition, et dont les intelligences d’élite s’étaient emparées pour ne plus s’en dessaisir, devait de lui-même se placer sur les lèvres des Mexicains. Cette pensée, une fois exprimée, se répandit avec la vitesse de l’éclair et fit battre tous les cœurs, car rien n’est plus contagieux que les principes dont le temps est venu. Quoi de plus légitime, dans les circonstances graves où l’on venait d’être jeté par le hasard des événemens, que d’avoir une junte mexicaine semblable aux corps politiques sortis en Espagne des entrailles du pays pendant l’éclipse totale du gouvernement national? Mais alors apparurent les difficultés que le régime colonial de l’Espagne et son système politique devaient nécessairement soulever quelque jour.

Le Mexique n’avait pas été gouverné d’une manière pire que les