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Mexique depuis l’indépendance, système qui a complètement échoué à garantir à ce beau pays les élémens les plus indispensables de l’ordre social et de la prospérité des états. Le complément de notre hypothèse, c’est que le système monarchique, mais d’une monarchie parfaitement indépendante et aussi libérale que possible, y sera substitué à une république qui n’est que nominale et dérisoire, car l’essence du gouvernement républicain, c’est le règne de la loi, et, dans les temps modernes, d’une loi faite dans l’intérêt de tous. Or au Mexique il n’y a plus de loi, et ce qui y règne, c’est le caprice, la vanité, l’ignorance et l’avidité d’une poignée de chefs militaires faisant tour à tour d’éphémères apparitions au pouvoir.

Je ne voudrais pas que ces paroles me fissent passer pour un adversaire systématique du gouvernement républicain. La république est excellente là où elle peut réussir, là où elle offre le meilleur mécanisme pour élever la condition morale, intellectuelle et matérielle des populations, susciter la prospérité et la grandeur nationale. Elle est détestable là où elle détermine l’abaissement des mœurs publiques et privées, où elle fait obstacle au progrès des lumières et au développement de la richesse collective et individuelle, où elle mène l’état de catastrophe en catastrophe et le pousse à l’abîme. Depuis l’époque de Franklin et de Washington jusqu’à la crise que la question de l’esclavage vient de provoquer au sein des États-Unis, la république a été le levier du progrès chez les Américains du Nord. La forme républicaine et l’esprit du self-government porté même à sa dernière limite y ont enfanté des merveilles : donc la république y a été parfaitement à sa place. Au contraire au Mexique, depuis l’indépendance jusqu’à l’époque actuelle, tout a été de mal en pis. Il n’y a eu de progrès que dans la rapidité de la décadence : donc la république y a été un fléau; mais aussi bien elle n’y a été qu’un mensonge.

Il est un point facile à établir, l’histoire à la main. Si le système républicain fut proclamé au Mexique après l’indépendance, ce fut principalement par l’effet de la politique aveugle et obstinée qui caractérisait le cabinet de Madrid en ce temps-là. En se déclarant indépendans, les Mexicains avaient eu à cœur de rompre tout lien de sujétion envers une métropole par laquelle ils se jugeaient opprimés; mais il n’est pas impossible de montrer que les institutions monarchiques ne leur déplaisaient pas, et qu’ils ont fait à peu près tout ce qu’il était humainement praticable pour les conserver chez eux. C’est ce que nous allons essayer par un rapide examen des événemens principaux de l’indépendance. Ce coup d’œil sera aussi à cette fin de reconnaître les élémens en présence desquels vont se rencontrer les trois puissances européennes alliées.