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sécessionistes. Il est donc permis non-seulement de compter sur la pacification prochaine du nord de l’Amérique, mais encore d’espérer que l’Union pourra se reconstituer et replacer réellement sur son drapeau toutes ses étoiles.

Nous voudrions croire que l’insurrection militaire qui à Nauplie tient en échec le gouvernement grec n’aura pas en Orient de graves conséquences. Cependant Nauplie était l’unique arsenal de la Grèce, et le peu de forces disciplinées dont le roi Othon dispose étant employées à maintenir la tranquillité sur le territoire où elles sont disséminées, on ne voit pas comment le gouvernement grec pourra réduire les rebelles. Les prendra-t-on par la famine ? Les surprendra-t-on par des trahisons ménagées au milieu d’eux ? Il est triste pour un gouvernement dont l’autorité est attaquée de ne pouvoir guère compter sur d’autres ressources. L’avenir de la Grèce paraît plus inquiétant, si l’on songe à l’impopularité incurable dont le gouvernement du roi Othon est frappé. La portion saine du peuple grec, colle qui a des intérêts conservateurs, se rallie autour de ce gouvernement, mais c’est par pis-aller et pour trouver un abri contre le brigandage, qui peut recommencer de plus belle dans ce petit royaume en dissolution ses honteuses prouesses.

La crise parlementaire prussienne vient s’ajouter aux élémens d’agitation qui fermentent en Allemagne. C’est sur la question financière que l’assemblée élective a voulu faire l’essai de sa prépondérance et de sa force. Il s’agissait d’obtenir dans le vote du budget ce système de la spécialité dont il fut naguère question chez nous à propos du dernier sénatus-consulte. Pour les souverains de vieille roche, les Français doivent être devenus le peuple modèle. Quels exemples de modération et de discipline ne donnons-nous pas au monde ! Voilà le roi de Prusse obligé de choisir entre la démission de son cabinet ou la dissolution de sa chambre. Pourquoi ? Parce que les députés prussiens veulent voter le budget par chapitre, tandis que nous, Français, nation exemplaire qui avons joui pendant un quart de siècle de cette prérogative, nous savons si bien nous en passer, et nous nous contentons de voter le budget par grandes sections ! Qu’arrivera-t-il pourtant en Prusse ? Le pays renverra-t-il la même chambre, ou une représentation plus libérale encore ? Jusqu’où ira le conflit ? Ces questions nous effraient peu. Le rôle auquel aspire la Prusse à la tête de la civilisation allemande ne peut point être séparé d’une politique libérale. Il arrivera à coup sûr un moment où le roi de Prusse sera averti par quelque grâce d’état de cette nécessité de libéralisme attachée aux légitimes et traditionnelles ambitions de la Prusse.

Nous apprenons, en terminant ces lignes, une affreuse nouvelle, qui sera, nous n’en doutons point, ressentie par les lecteurs de la Revue. M. de Molènes vient de mourir des suites d’une chute de cheval. M. de Molènes avait mis toute sa vie dans la carrière militaire, qu’il avait choisie avec une sorte