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de son ministère, sur les élémens agitateurs et révolutionnaires du mouvement italien. Nous omettons des critiques moins sérieuses, celles qui portent sur les difficultés qui auraient éclaté entre M. Ricasoli et le roi, et sur cette dignité poussée jusqu’à la raideur dans les rapports avec les personnes. C’est toujours un malheur dans les pays constitutionnels lorsque la politique vient à tomber dans les questions personnelles. — L’art des grands ministres, le mérite des hommes d’état qui dirigent par leur ascendant les gouvernemens représentatifs est de ne point laisser voir ces misères, et de les couvrir de leur active patience et de leur adroite générosité, Nous faisons des vœux pour que les Italiens cessent le plus tôt possible de se laisser aller à ces récriminations, à ces jalousies, à ces acrimonieuses discussions sur les personnes. L’effet certain de ces mesquines animosités bruyamment révélées serait de leur faire perdre l’estime des peuples étrangers et d’entraver le développement politique auquel ils aspirent.

Mais quant à la critique vraiment politique adressée au baron Ricasoli, quant au blâme dont quelques conservateurs italiens poursuivent ses déclarations libérales prononcées dans la fameuse séance du 25 février, il ne nous est pas possible de nous y associer. La révolution italienne nous a toujours paru soumise à ces deux lois qui président aux mouvemens révolutionnaires : d’une part, tant que l’objet de la révolution n’est point atteint, tant que l’œuvre n’est point consommée, il est impossible au pouvoir qui dirige le mouvement de rompre entièrement avec les élémens enthousiastes, passionnés, agitateurs, qui lui ont depuis l’origine prêté leur coopération ; d’un autre côté, toute grande œuvre révolutionnaire accomplie dans un pays répond à des intérêts analogues chez les autres peuples, elle retentit au dehors, elle éveille à l’étranger une force d’opinion qui est un de ses plus puissants concours, elle a un caractère cosmopolite qui devient un de ses plus utiles moyens de réussite. Or une révolution ne peut, sans se suicider moralement, renoncer à ce caractère cosmopolite et à l’ascendant d’opinion qu’elle en reçoit. Jusqu’au dénoûment, le gouvernement d’un peuple en révolution ne peut, sans se condamner à reculer et s’exposer à perdre le terrain conquis, se priver volontairement de ces deux forces, intérieure et extérieure, et briser violemment avec elles. C’est ce que M. de Cavour, malgré les apparences de sa mobile conduite, n’avait pas cessé un seul instant de comprendre et de pratiquer. Il ne s’était pas laissé dominer par le mouvement révolutionnaire italien, mais il s’en était emparé. Lorsqu’il prépara la guerre contre l’Autriche, il appela en Piémont les volontaires de l’Italie et mit Garibaldi à leur tête. Les conservateurs italiens, pas plus que les orateurs de notre propre gouvernement, ne. devraient oublier ces origines de l’émancipation de l’Italie. C’est sur la réclamation de l’Autriche, demandant, la dissolution de ces corps francs ostensiblement dirigés contre elle, que la guerre éclata, et ni en Italie ni en France, dans les régions gouvernementales, on ne reprochait alors à M. de Cavour d’avoir