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notre régime municipal. Il est difficile d’épuiser une matière lorsqu’il faut embrasser trois sujets dans le même discours. Les membres de l’opposition libérale sont d’ailleurs si peu nombreux dans le corps législatif ; ils se multiplient si vaillamment et s’épargnent si peu dans l’accomplissement de leurs devoirs politiques, qu’il y aurait de l’ingratitude à leur reprocher de n’avoir pas livré trois assauts, au lieu d’un, à propos de la politique intérieure. Dans tous les cas, il a été démontré une fois de plus que les adversaires de la liberté de la presse ne peuvent se tirer de cette discussion qu’en l’éludant. Ne pouvant concilier un régime qui fait exception à tous les principes du droit français ni avec les idées de 1789, ni avec la théorie de la souveraineté du peuple et du suffrage universel, ni avec la loi des majorités, ni avec les droits des minorités, ils sont réduits à invoquer la raison d’état. Dans un temps comme le nôtre, il y a un véritable aveu d’impuissance dans la raison d’état opposée aux déductions éclatantes de la raison et du droit. Il est bon de faire répéter le plus souvent possible un tel aveu aux adversaires de la liberté de la presse.

La question romaine est, à vrai dire, pour nous une question intérieure. Pour les partisans du pouvoir temporel, le maintien du statu quo à Rome est la condition du concours qu’ils offrent au gouvernement ou de l’opposition qu’ils lui annoncent. Pour les libéraux, la fin du pouvoir temporel à Rome est le fait qui doit entraîner le rétablissement en France de la plénitude des libertés politiques. Cependant, quoique à ce double point de vue l’influence de la question romaine sur la politique intérieure de la France soit décisive, cette question est tellement liée aux destinées de l’Italie que nous eussions mieux aimé la voir aborder dans nos chambres à un autre moment. Le gouvernement italien vient d’être traversé par une crise ministérielle. Le pouvoir est à Turin dans les mains d’un cabinet nouveau. Il eût sans doute mieux valu, pour porter sur la solution de la question romaine des jugemens plus certains, attendre que le nouveau cabinet italien eût eu le temps de nous faire connaître la physionomie et les allures de sa politique.

Nous avions cru que la manifestation de la chambre des députés italiens, dans la séance du 25 février dernier, était une garantie de durée pour le ministère du baron Ricasoli. Déçus avec une brusquerie imprévue par l’événement, nous éprouvons une grande hésitation à exprimer une opinion sur les effets du changement qui vient de s’accomplir dans le gouvernement à Turin, Nous redoutons que la retraite du baron Ricasoli ne soit une sérieuse épreuve pour l’Italie. On adresse à M. Ricasoli des reproches de plusieurs sortes. Les uns l’ont blâmé de n’avoir pas partagé le pouvoir avec M. Rattazzi, de n’avoir pas renouvelé, avec le président du nouveau ministère, cette alliance, ce connubio auquel M. de Cavour, faisant taire ses susceptibilités personnelles, avait plus d’une fois eu recours avec succès ; les autres lui ont. reproché d’avoir trop compté, surtout dans les derniers momens