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d’Europe, et à laquelle ils sont prêts à fournir leur contingent. On conçoit en effet, en considérant l’étendue de l’empire turc et la diversité extrême de ses provinces, que le consul anglais de Salonique ait pu remarquer que les chrétiens de la Macédoine ou de la Thessalie soient peu disposés à servir hors de leurs provinces, tantôt envoyés à Bagdad, tantôt à Belgrade, n’étant pas seulement dépaysés, mais souvent même contraints à l’apostasie, surtout s’ils ne forment pas des régimens à part, commandés par des officiers chrétiens. La formation de gendarmeries provinciales est donc le vœu des chrétiens d’Orient ; c’est pour le Liban la prescription impérative du règlement du 9 juin 1861.

M. Finn, consul anglais à Jérusalem, répond à la dixième question : ’Excepté à Jérusalem, où les prêtres gouvernent, les chrétiens aimeraient certainement mieux entrer dans l’armée que de payer la taxe d’exonération ; ils pensent qu’ils y gagneraient en considération. Je suis informé que dans quelques parties de la Syrie la jeunesse chrétienne demande à servir personnellement dans l’armée, sans même réclamer le droit de faire des compagnies ou des régimens séparés[1]. » Le consul anglais de Smyrne, M. Charles Blunt, croit que c’est le vœu et l’avantage des chrétiens de payer la taxe d’exonération. Le consul de Pristina, M. E. Blunt[2], dit au contraire « qu’en Bulgarie les chrétiens et surtout les paysans, qui forment la principale partie de la population, aimeraient mieux entrer au service militaire que de payer la taxe d’exonération. » Le consul de Prevesa en Albanie croit que rien ne serait plus désagréable aux chrétiens que d’être soumis personnellement au service militaire, au lieu de payer la taxe. « Le bruit d’un pareil système déterminerait, j’en suis convaincu, une émigration considérable de tous ceux qui seraient en âge de satisfaire à la conscription, et quoiqu’on parle sans cesse de l’injustice d’exclure les chrétiens du service militaire, ceux-ci sentent trop les avantages qu’ils recueillent de l’exemption pour qu’on puisse croire à la sincérité de leur zèle militaire. Sans doute la conscription qui frappe uniquement sur les Ottomans tend à épuiser leur race ; mais d’un autre côté former des corps de troupes chrétiennes ou des corps mixtes serait une politique fort dangereuse à suivre pour la Porte-Ottomane. » Le consul d’Alep en Syrie, M. Skene, dit que » les chrétiens de la Syrie septentrionale ne sont pas une population belliqueuse comme ceux du Mont-Liban et de l’Albanie ou les montagnards de la Crète, ils n’ont ni le goût ni l’habitude de manier les armes. On rencontre à

  1. Papers relating lo the condition of christians in Turhey, p. 32.
  2. Ne nous étonnons pas de trouver souvent les mêmes noms. Les Anglais ont la bonne habitude d’avoir des familles consulaires dont les membres se sont, pour ainsi dire, partagé les diverses stations de l’Orient.