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« On vous trompe, mon cher philosophe, quand on vous dit que l’archevêque de Toulouse a proposé des facilités pour les mariages des protestans dans une délibération de l’assemblée du clergé ; ce n’est point dans ces délibérations qu’on agite ces questions d’état. Mgr l’archevêque de Toulouse en a parlé il y a quelque temps dans une conversation avec quelques évêques et a montré autant de tolérance que de politique.

« Il est très faux que des colporteurs aient été arrêtés pour avoir débité la Diatribe. Cette pièce est imprimée dans le Mercure d’auguste, ou d’août, où nous sommes. M. le contrôleur-général en a été infiniment satisfait et en a remercié l’auteur. Quelques évêques se sont fâchés contre Laharpe, qui a fait l’éloge de cette Diatribe dans ce Mercure d’auguste ou août. On a laissé dire ces évêques et l’on ne persécute personne.

« M. Turgot est en train de rendre les plus grands services à la nation et à la raison. Sa sagesse et sa bienfaisance s’étendent jusque sur nous, pauvres habitans ignorés du mont Jura. Attendez-vous, vous autres Genevois nos voisins, aux choses les plus agréables ; c’est tout ce que je puis vous dire.

« Ceux qui vous mandent que le clergé welche n’a jamais eu plus d’activité et de crédit se trompent de moitié ; ils ont raison pour l’activité. »

« Ferney, 8 décembre 1775.

« Effectivement, monsieur, on m’avait flatté de l’idée que vous aviez jeté un coup d’œil favorable sur mon voisinage et que vous vouliez l’honorer au point d’y avoir une maison de campagne. Vous jugez combien cette proposition a dû enchanter Mme Denis et moi. Ce serait la consolation du reste de mes jours. Vous seriez absolument le maître de choisir le terrain. Vous ordonneriez la manière dont vous voudriez être servi, et on s’empresserait d’exécuter vos ordres.

« Je vous avertis que vous ne seriez point du tout dans un marquisat. C’est une mauvaise plaisanterie que des ennemis de M. Turgot ont faite à Paris. Il y a des gens qui ont été fâchés du bien que ce digne ministre daigne faire à ma petite province, et encore plus de celui qu’il va faire au royaume. Ne pouvant décréditer les bonnes intentions de M. Turgot, ils ont voulu l’attaquer par le ridicule, et dans cette belle idée, ils ont déclaré que le roi me faisait marquis Mascarille et intendant du vaste pays de Gex.

« En vérité, il y a tant de marquis gascons qu’il n’en faut pas faire de suisses. Agréez les tendres respects d’un solitaire qui ne sera jamais que le vieux malade.

« VOLTAIRE. »

Arrêtons-nous sur l’impression que laissent ces dernières lettres. Heureux du succès de ses efforts dans les affaires de Galas et de Sirven, heureux de l’avenir que promet à la France l’avènement de Turgot, il éprouve des émotions qui adoucissent ses paroles. On a vu pourtant, dans ce recueil de messages, quel mélange de grâce supérieure et de petites passions, d’humanité généreuse et de malices impies. On le verra mieux encore quand ces précieuses confidences seront entièrement mises au jour. La publication complète