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c’est un livre où je dirais qu’il y a de fort bonnes choses, si je ne m’étais pas rencontré avec lui dans quelques endroits où il parle de la tolérance. Il y a, ce me semble, un grand défaut dans ce livre, et qui peut nuire à votre cause : c’est qu’il dit continuellement que les catholiques ont toujours eu tort et les protestans toujours raison, que tous les chefs des catholiques étaient des monstres et les chefs des protestans des saints. C’est trop donner d’armes contre soi-même. Il est permis d’injurier le genre humain, parce que personne ne prend les injures pour lui ; mais quand on attaque violemment une secte en demandant grâce, on obtient la haine et point de grâce. Je vous répète qu’il est infiniment à désirer qu’un homme comme vous veuille écrire. Vous seriez lu, et l’Accord parfait ne le sera point. Il est beaucoup trop long et trop déclamateur, comme tous les livres de cette espèce. Il faut être très court et un peu salé, sans quoi les ministres et Mme de Pompadour, les commis et les femmes de chambre font des papillotes du livre.

« Sous un autre gouvernement, je n’aurais pas osé hasarder quelques petites notes dont il est très aisé de tirer d’étranges conséquences ; mais je connais assez ceux qui gouvernent pour être sûr que ces conséquences ne leur déplairont pas. Je pense même qu’il n’y a d’autre moyen d’obtenir la tolérance que d’inspirer beaucoup d’indifférence pour les préjugés, en montrant pourtant pour ces préjugés mêmes un respect qu’ils ne méritent pas. Je pense enfin que l’aventure des Calas peut servir à relâcher beaucoup les chaînes de vos frères qui prient Dieu en fort mauvais vers… »

« Ferney, 9 janvier 1763.

« Voici, monsieur, un mémoire qu’on m’envoie ; il avait été fait à Toulouse il y a très longtemps. Je suis bien fâché que les avocats de Paris ne l’aient pas connu. Il y a des choses bien essentielles dont ils auraient fait usage. Votre indignation et votre pitié redoubleront, s’il se peut, à la lecture de ce mémoire. On est tenté de se faire débaptiser quand on lit les Saint-Barthélémy, les massacres d’Irlande et l’histoire des Calas. On aurait du moins grande raison de se décatholiciser.

« Je vous supplie, monsieur, de vouloir bien envoyer le mémoire Calas à M. Bruce, quand vous l’aurez lu. — Vous savez que l’affaire ne sera rapportée que le 8 février. Je ne dormirai point la nuit du 7 au 8.

« Mon Dieu, que d’abominations ! »

« Ferney, février 1763.

« J’ai l’honneur de renvoyer à M. Moultou ce très bon discours contre la persécution, dont je le remercie. Je le supplie de vouloir bien faire remettre chez M. Souchay la pièce sacerdotale cachetée.

« L’affaire des Calas a été rapportée et très bien rapportée par M. de Crosne.

« Si M. Moultou a quelques nouvelles, je le prie d’avoir la bonté de m’en faire part. Je suis toujours aveugle. Je ne sais pas quand cela finira. »

« Ferney, 25 février 1763.

« Je suis en peine, monsieur, d’Olympie et de la Tolérance. Je trouve qu’il y a beaucoup à faire au premier ouvrage, et que le second est bien