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PÉRICLÈS.

Que les dieux détournent ce présage ! Tu ne mourras point, car il est facile de prouver que tu es innocent.

PHIDIAS.

Combien fut sage ton conseil, lorsque tu m’exhortas jadis à ajuster les vêtemens d’or de Minerve, de telle sorte qu’ils pussent être ôtés et replacés librement !

PÉRICLÈS.

Il était nécessaire qu’on pût les peser en cas de procès, les fondre en cas de guerre.

PHIDIAS.

Mais je crois que ce premier procès n’est qu’un prélude : il en cache un plus grave.

PÉRICLÈS.

Nos adversaires n’auraient pas manqué d’adresse à ce point.

PHIDIAS.

Par Jupiter ! ils montrent une singulière habileté, puisqu’ils préparent les esprits et excitent la haine contre moi.

PÉRICLÈS.

Tu as raison. Ils nous réservent un coup plus certain.

PHIDIAS.

Anaxagore n’a-t-il pas été accusé d’impiété ?

PÉRICLÈS.

En effet, il était même condamné, si je ne l’avais forcé de fuir.

PHIDIAS.

Aspasie n’a-t-elle pas aussi été dénoncée pour cause d’impiété ?

PÉRICLÈS.

Souvenir cruel, car mes larmes seules ont pu fléchir ses juges.

PHIDIAS.

Comment donc ne serais-je point accusé du même crime, moi que le parti aristocratique appelle le corrupteur de la religion, parce que je sculpte les dieux d’Homère ?

PÉRICLÈS.

Oui, la loi de Diopithe, à laquelle je me suis vainement opposé, est une arme terrible. Elle frappe ceux qui brillent au premier rang parmi les philosophes, les poètes et les artistes.

PHIDIAS.

Quand la sentence est prononcée, quelle peine inflige la loi ?

PÉRICLÈS.

La mort.

PHIDIAS.

Peu de mots suffisent pour les grandes choses.

PÉRICLÈS.

Hélas ! le grand-prêtre me l’avait annoncé que je verrais mes amis succomber tour à tour ! Eh bien ! pour vous sauver, je suis prêt à céder le pouvoir à mes ennemis.

PHIDIAS.

Loin de les désarmer, tu nous abandonnerais à leur vengeance.