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AGORACRITE.

O toi qui t’exerces si jeune au métier de sycophante, tu as raison de me retirer le titre d’Athénien, car en vous voyant je rougirais de le porter.

CLÉON.

Que les dieux nous protègent ! Agoracrite ressemble au taureau qui aiguise ses cornes.

AGORACRITE.

Que ne me compares-tu plutôt au voyageur qui heurte une pierre et découvre un scorpion prêt à mordre ?

CLÉON.

Ne t’expose donc pas à nos morsures ; Phidias t’apprendra qu’elles ont parfois des effets redoutables.

AGORACRITE.

De bonne foi, crois-tu que Phidias ait rien détourné de l’or qui forme les vêtemens de Minerve ?

SIMMIAS.

De bonne foi, j’attendrai qu’il nous prouve son innocence.

AGORACRITE.

Sois tranquille, il la prouvera.

SIMMIAS.

Il fera bien, s’il tient à la vie, car il s’agit du trésor sacré.

AGORACRITE.

Tout le monde sait qu’il est pauvre et qu’il vit simplement.

SIMMIAS.

On sait qu’il s’est enfui aussitôt que le Parthénon a été consacré.

AGORACRITE.

Prends garde d’apprêter à rire le jour du procès.

SIMMIAS.

J’ai peur de vous faire plutôt pleurer.

AGORACRITE.

Qui paiera pour toi mille drachmes d’amende, si tu n’obtiens pas contre Phidias le cinquième des suffrages ? Sera-ce le riche Callias, ton compagnon de débauche ?

SIMMIAS.

Tu fais l’arrogant, mais je doute que cette assurance se soutienne lorsque vous serez devant vos juges.

AGORACRITE.

Il serait plus sage de songer à toi, beau Simmias ; car nous te ménageons une surprise cruelle. Viens-tu, Ménon ?

MÉNON, faisant un signe au grand-prêtre.

Je reste.

CLÉON.

Pour nous, suivons Agoracrite ; voici l’heure de l’assemblée.

UN CITOYEN.

Oui, par Mercure, dieu de l’éloquence. Déjà les Scythes, étendant la corde rouge, nous poussent vers le Pnyx, ainsi qu’un troupeau, (Tous s’éloignent, excepté le grand-prêtre et Ménon.)