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« Quand je partis de mon pays, — je laissai mon amoureuse tout en larmes ; — mais elle, qui était noble et accorte, — se prit à m’interroger sur mon retour. — Je lui répondis par ces paroles : — « Je reviendrai quand il plaira à Dieu. » — Je lui répondis d’une voix plus basse : — « Je reviendrai si je ne suis pas mort. »

« On m’a dit et l’on m’a affirmé — qu’il y a de grandes rumeurs dans votre maison : — ils vous ont grondé à cause de moi. — Vos père et mère et toute la parenté — sont mécontens parce que vous m’aimez. — Eh bien ! contentez-les : — ils seront satisfaits, et moi je serai morte !

« Mon bel ami, tant que tu penseras à moi, — je te veux aimer jusqu’au dernier jour. — Quand je verrai une autre famille autour de toi, — alors je m’efforcerai de ne plus t’aimer ; — quand je verrai la nouvelle fiancée à ton côté, — je prendrai mon parti et je pleurerai ; — quand je te verrai l’anneau au doigt, — je pleurerai, et tout sera dit.

« Hirondelle qui voles dans l’air, — retourne en arrière et fais-moi un plaisir : — donne-moi une plume de ton aile — que j’écrive une lettre à l’ami de mon cœur. — Quand je l’aurai écrite et ornée, — je te rendrai ta plume, ô hirondelle. — Quand je l’aurai écrite sur du papier blanc, — je te rendrai la plume qui te manque ; — quand je l’aurai écrite sur un papier d’or, — je te rendrai ta plume et ton vol. »


Les stornelli constituent une forme encore plus brève que les rispetti, puisqu’ils ne se composent que de trois vers ; aussi, tout en exprimant des idées d’amour, sont-ils usités de préférence dans les dialogues et les défis poétiques où leur brièveté favorise la facilité de l’improvisation et la vivacité de la réplique. La forme la plus gracieuse des stornelli est celle des fiori, espèce de refrain tiré du nom des fleurs, que les Allemands appellent Blumen ritornelle. Bien qu’on la retrouve à Venise et en Sicile, elle paraît née en Toscane, dans ce pays que l’on a surnommé le jardin de l’Italie, dont la capitale a pris son nom des fleurs, et au sujet duquel Gino l’exilé écrivait à Dante :

Deh ! quando rivedrò il dolce paese,
Di Toscana gentile,
Dove’l bel fior si vede d’ogni mese !

Du reste, l’invocation aux fleurs se retrouve à toutes les époques et dans tous les pays. Athénée parle d’une espèce de chanson grecque qu’on appelait anthême, et qui se chantait avec accompagnement de flûte et de danses : « Où est ma rose ? Où est ma violette ? Ou est mon beau persil ? » On trouve quelque chose de semblable chez nous, notamment en Bretagne, et aussi dans nos jeux de société et dans nos vieux poètes. Parmi les poésies de Christine de Pisan, il en est une qu’on appelle Gieux à vendre, dans le genre de la Boîte d’amourettes, du Corbillon et des Bouquets, si familiers